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reau central, on doit imaginer que l’hôtel des postes de Paris est un vaste monument, composé d’un immense rez-de-chaussée où des salles aérées, éclairées, de plain-pied les unes avec les autres, ouvertes de larges débouchés, outillées de tous les ustensiles de la science moderne, entourées de cours spacieuses, précédées de galeries d’attente, salles ventilées ou chauffées selon la saison, offrent au travail cyclopéen qui s’y accomplit toutes les ressources et toutes les commodités possibles. Il n’en est rien. L’hôtel des postes de Paris est presqu’un bouge, une superposition de cabanons reliés par des échelles; quand une fois on l’a parcouru en détail, il est difficile de comprendre qu’un service quelconque puisse s’y faire, et l’on voit avec stupéfaction qu’il faut, à force d’intelligence et de bonne volonté, suppléer à tout ce qui lui manque. C’est une honte pour le Paris monumental qu’on nous a fait et que j’admire, quoique ce ne soit pas la mode. Situé rue Jean-Jacques Rousseau, s’appuyant sur la rue Pagevin et la rue Coq-Héron, rues étroites et qui sont à peine des dégagemens, composé des hôtels d’Épernon et de la Sablière, destiné au service des postes en 1757, il n’a reçu depuis cette époque que des accroissemens insuffisans. On a eu beau l’agrandir en 1786 et en 1815, y faire quelques constructions indispensables en 1827, louer encore dernièrement trois chambres dans une maison voisine, percer de gros murs, emmancher des escaliers, imaginer de nouveaux expédiens; il ne répond nullement aux besoins de l’administration qu’il contient ou plutôt qu’il étouffe. Dès 1847, le ministre des finances déclarait que la situation était intolérable; qu’ est-elle donc aujourd’hui! Ces corridors où la lumière du gaz est indispensable en plein jour, ces escaliers où deux hommes non chargés ne peuvent passer de front, ces salles trop étroites où les employés sont empilés les uns sur les autres, ce dédale de chambres annexées qui ne se commandent pas et ne communiquent que par des degrés construits après coup, cet outillage suranné, ces paniers qu’on tire à la corde et qui chapechutent avec tout leur contenu contre les feuillets disjoints du parquet, tout est à refaire, tout est à remplacer, tout est à édifier de nouveau et selon les exigences d’un service qui s’accroît tous les jours dans une inconcevable proportion. Sans cesse et sans cesse on surveille les lampes, les becs de gaz, les calorifères, les poêles, les cheminées, car le feu semble toujours prêt à saisir ce vieux bâtiment, où les cloisons, les poutres, les escaliers, le faîtage, les lambris en bois rendraient un incendie excessivement dangereux. Le poste de pompiers, qui occupe une partie du rez-de-chaussée de l’hôtel, est toujours sur le qui-vive. On a mis de l’eau partout où l’on a pu, les pompes sont toujours gréées, les fontaines toujours pleines, les