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on peut s’en donner à cœur-joie sur le compte des empoisonneurs publics. Ils ne protestent pas : vous voyez donc bien que j’avais raison !

Il a appelé un jour Garibaldi un homme ridicule, donnant, comme tous ses collègues, avec un instinct bien caractéristique, la préférence de ses outrages au seul homme de notre temps qui ait eu quelque chose qui rappelle ce qu’on nommait jadis « la folie de la croix, « c’est-à-dire une foi entière, absolue, dans une idée, et qui ait sans relâche apporté sa vie en témoignage. Le général Garibaldi n’a pas réclamé contre l’honneur qu’on lui a fait, mais beaucoup de gens ont réclamé pour lui. Cette injure, même bénie par le pape, a paru excéder la mesure de ce qu’on permet en ce genre à un évêque. M. Dupanloup juge à propos de s’expliquer à cet égard. « On m’a accusé, dit-il, d’avoir mal parlé de Garibaldi ; mais en vérité je ne crois guère m’être trompé. Est-ce que le général Garibaldi n’est pas en activité dans une armée régulière ? Si l’un de nos généraux en France tenait de tels discours, on crierait au scandale, et le ministre sévirait. On ne touche pas à Garibaldi, soit parce qu’on ne le prend pas au sérieux, soit parce qu’on le craint. Qu’ai-je dit de plus ? » Ce qu’ai-je dit de plus est sublime dans son genre, mais il ne nous paraît pas de nature à encourager beaucoup ceux qui pourraient être tentés de demander des amendes honorables ou simplement des rectifications à M. l’évêque d’Orléans.

Ainsi le défaut de franchise dans les principes se retrouve également dans les procédés de la polémique. M. Dupanloup est dans son rôle et dans son droit en défendant l’idée de Dieu ; mais il n’y est plus lorsque, confondant indistinctement ses adversaires sous la commode dénomination d’athées, il attribue aux uns ce qui appartient aux autres, et leur prête à la plupart des intentions qu’ils n’ont jamais eues. Est-il bien sûr de comprendre toujours leurs ouvrages ? On peut en douter. On s’aperçoit trop souvent, en le lisant, que la connaissance de la théologie ne donne pas celle des questions d’histoire, de politique et de philosophie. Qui croirait qu’il trouve dans la presse actuelle « des articles qui lui rappellent l’accent des journaux révolutionnaires avant le deux septembre? » Autant vaudrait dire, comme le doux M. Plantier, « que nous appelons la servitude de l’église avec des grincemens dont Satan notre père doit être heureux et presque jaloux ! » Ce sont là des visions de malades contre lesquelles il est impossible de s’irriter et même de se défendre. Prouvez donc, disait Pascal, que vous n’êtes pas un tison d’enfer. S’il y a au contraire quelque chose de frappant dans le mouvement philosophique de notre temps, c’est le caractère peu agressif de son attitude vis-à-vis de l’église.

Non-seulement les écrivains qu’on attaque avec tant de violence