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masse liquide, puisque l’enveloppe extérieure est relativement une mince pellicule. Dans ces conditions, il serait difficile de comprendre que le grand océan des laves ne fût pas agité comme l’océan des eaux par le mouvement alternatif des marées, et ne soulevât pas deux fois par jour le radeau qui flotte à sa surface. On ne comprendrait pas davantage que la terre ne fût pas beaucoup plus déprimée du côté des pôles qu’elle ne l’est actuellement et ne fût pas transformée en véritable disque; or l’aplatissement polaire n’est pas même plus considérable que les simples inégalités superficielles comprises, dans la zone équatoriale, entre les cimes de l’Himalaya et les abîmes de l’Océan-Indien. Ajoutons que dans un récent ouvrage[1] M. Emmanuel Liais attribue ce faible aplatissement des deux pôles au travail d’érosion que les eaux et les glaces polaires, irrésistiblement entraînées vers l’équateur, ne cessent d’accomplir année par année, siècle par siècle, en se chargeant d’énormes quantités de débris arrachés à la surface du sol.

L’argument principal de ceux qui considèrent l’existence du feu central comme un fait démontré, c’est que dans les couches extérieures de la terre explorées par les mineurs la chaleur ne cesse de s’accroître avec la profondeur des cavités. En descendant au fond d’un puits de mine, on traverse invariablement des zones de température de plus en plus haute : seulement le taux de la progression varie suivant les diverses parties de la terre et les roches dans lesquelles sont creusées les galeries. D’après le chimiste Bischoff, qui a fait de l’étude de ces questions le travail de sa vie, la chaleur s’accroît plus rapidement dans les schistes que dans le granit, plus dans les veines de métal que dans les schistes, plus dans les filons de cuivre que dans les minerais d’étain, et dans les couches de houille plus que dans les gisemens de métaux. Presque partout la progression est moins rapide : la moyenne de l’intervalle qui, dans ce grand thermomètre des couches terrestres, correspond à un degré de chaleur, est de 25 à 30 mètres.

Toutefois la terre n’a pas encore été fouillée à une bien grande profondeur. Les excavations les plus remarquables, celle de Kuttenberg, en Bohême, et l’une des mines de Guanajuato, au Mexique, ont à peine atteint un kilomètre, c’est-à-dire la six ou sept millième partie du rayon terrestre, et nulle part le mineur n’a eu à supporter de chaleur naturelle du sol dépassant 45 degrés : il y aurait donc plus que de l’imprudence à vouloir juger de l’état de tout l’intérieur du globe par la température des couches superficielles et à soutenir que la chaleur, accrue suivant une proportion constante, de la surface du sol au centre de terre, s’y élève à la température de 200,000 degrés, c’est-à-dire bien au-delà de tout ce que peut concevoir l’imagination de l’homme. Autant vaudrait conclure du refroidissement graduel des hautes couches aériennes que l’abaissement de température se continue jusqu’au milieu des espaces célestes, et qu’à 1,000 kilomètres de

  1. Les Espaces célestes et la Nature tropicale.