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voyait une atteinte à son influence, peut-être une menace pour la faveur dont elle jouissait, dont le fragile éclat ne tenait qu’à l’apathie ou à l’habitude. Elle alla au prince de Conti, elle voulut savoir le secret de ses entretiens avec le roi : elle ne put rien obtenir de lui, et elle ne le lui pardonna pas. Le ressentiment de Mme de Pompadour ne fut point sans doute étranger au refroidissement qui survint bientôt entre Louis XV et Conti, à la suite du refus fait au prince du commandement de l’armée du Rhin, au début de la guerre de sept ans. A quels moyens du reste Mme de Pompadour pouvait recourir pour savoir ce qu’on ne voulait pas lui révéler, une curieuse lettre de Tercier au chevalier d’Éon le dit : « Le roi m’a appelé ce matin auprès de lui, je l’ai trouvé fort pâle et fort agité. Il m’a dit d’une voix altérée qu’il craignait que le secret de notre correspondance n’eût été violé. Il m’a raconté qu’ayant soupé, il y a quelques jours, en tête-à-tête avec Mme de Pompadour, il fut pris de sommeil à la suite d’un léger excès dont il ne croit pas la marquise tout à fait innocente. Celle-ci aurait profité de ce sommeil pour lui enlever la clef d’un meuble particulier que sa majesté tient fermé pour tout le monde, et aurait pris connaissance de vos relations avec M. le comte de Broglie. Sa majesté le soupçonne d’après certains indices de désordre remarqués par elle dans ses papiers. En conséquence elle me charge de vous recommander la plus grande prudence et la plus grande discrétion vis-à-vis de son ambassadeur, qu’elle a lieu de croire tout dévoué à M. le duc de Praslin et à Mme de Pompadour... »

Après Mme de Pompadour, Mme Dubarry en faisait tout autant: elle essayait de gagner le comte de Broglie en lui promettant même son appui pour le faire arriver au ministère. Le comte resta muet. Le roi fut-il moins discret? Il écrit un jour: « Mme Dubarry avait vu votre lettre sur le gouvernement; ce n’était pas un secret. A l’égard du gros paquet, elle le trouva sur ma table; elle voulut voir ce que c’était; je ne voulus pas le lui montrer. Le lendemain, elle revint à la charge. Je lui dis que c’était sur des affaires de Pologne, — que, comme vous y aviez été ambassadeur, vous y aviez encore quelques relations dont vous me rendiez compte. Voilà tout ce que j’ai dit et fait... » C’était du moins la marque du prix qu’attachaient les favorites à mettre la main sur ce secret qui ressemblait à un ironique et agaçant démenti de leur omnipotence.

Les ministres à leur tour, mis sur la voie de cette action clandestine qu’ils rencontraient partout et qu’ils ne pouvaient saisir, complétaient en quelque sorte l’investissement d’une place si singulièrement défendue. Comme Louis XV le disait de M. de Choiseul, les ministres avaient des soupçons plutôt qu’une certitude. Aussi mul-