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qu’il soit recouvert tout entier d’un manteau de glace. Quinze grands glaciers, émissaires du réservoir central, ont été observés par les navigateurs de la baie de Baffin le long de la côte du Groenland. Chacun d’eux, si l’on remonte à son origine, a environ 400 mètres de long, et surplombe la mer de 50 mètres au moins; mais comme le glacier plonge dans la mer, souvent très profonde, il en résulte que la hauteur totale de l’escarpement est de 350 à 450 mètres. Ce sont ces escarpemens qui, démolis par les vagues, donnent naissance à ces énormes glaces flottantes de la baie de Baffin, dont la hauteur surpasse souvent celle de la mâture des navires. Au Spitzberg au contraire, la température de la mer réchauffée par le gulf-stream étant supérieure à zéro pendant l’été, le glacier fond au contact de l’eau, et l’escarpement du glacier se réduit à la portion qui s’élève au-dessus de la mer : aussi les glaces flottantes, n’ayant que 4 ou 5 mètres de hauteur, dépassent-elles à peine le bastingage des navires. Les plus grands glaciers du Groenland sont ceux de la baie de Melville, par 76 degrés de latitude, et le plus grand du monde entier, le glacier de Humboldt, se trouve dans le détroit de Smith, au nord de la baie de Baffin; il s’étend le long de la mer du 79e au 80e de latitude, sur une longueur de 111 kilomètres. C’est auprès de ce glacier que le docteur Kane, commandant le brick américain Advance, séjourna pendant les deux hivers de 1854 et 1855[1]. Il en décrit l’escarpement terminal comme un escalier gigantesque de 90 mètres de haut. Les premières marches s’appuyaient sur le rivage, sur la mer et sur des îles voisines de la terre. A la fin d’avril, ce glacier semblait déjà en mouvement; sa surface était parcourue par des filets d’eau, résultat de la fusion; ces filets, se réunissant entre eux, formaient des ruisseaux, puis de petites rivières qui tombaient en cascades dans la mer; en même temps des masses de glace se détachaient et s’écroulaient; les unes s’entassaient sur les gradins dont nous avons parlé, les autres se précipitaient dans les flots, et formaient de longs convois de glaces flottantes qui dérivaient lentement vers l’Océan-Polaire.

Des glaciers semblables, quoique moins grands, existent çà et là dans cet archipel de grandes îles et de promontoires découpés qui s’étend de la baie de Baffin au détroit de Behring, c’est-à-dire de l’Océan-Atlantique à l’Océan-Pacifique. Dans la baie de Kotzebue, au nord-ouest du détroit de Behring, Seemann, naturaliste de l’Herald, observa en 1850 un glacier qui présentait une particularité bien remarquable. Au-dessus de l’escarpement terminal du glacier, les marins anglais virent avec surprise une masse argileuse

  1. Voyez la Revue du 15 janvier 1866.