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évidemment, de l’équateur, si l’Espagne ou l’Italie méridionale avait des montagnes plus élevées et des massifs plus considérables.


VI. — ANCIENS GLACIERS DES VOSGES ET DU JURA.

Les cirques élevés des Alpes et des Pyrénées recèlent encore les restes et pour ainsi dire les embryons de ces immenses glaciers qui ont jadis couvert les plaines environnantes. Il n’en est pas de même des Vosges ; dont les sommets les plus élevés, le Hoheneck, le Drumont, le Belchenberg, le ballon d’Alsace, celui de Guebwiller, ne s’élèvent pas même à 1,500 mètres au-dessus de la mer : aussi actuellement les neiges disparaissent-elles complètement en été dans la chaîne des Vosges, qui ne compte pas un seul glacier en activité ; mais pendant la période de froid les vallées qui descendent des points culminans étaient occupées par des glaciers permanens de plusieurs kilomètres d’étendue. Comme ceux des Alpes, ils ont poli et strié les durs granites des Vosges et édifié des moraines à leur extrémité. Dès 1838, elles avaient été signalées par le colonel du génie Félix Leblanc, puis décrites par MM. Renoir, Hogard et Éd. Collomb. Ces moraines sont d’autant plus frappantes qu’elles ont précisément les dimensions de celles que les glaciers actuels construisent de nos jours. En effet, les anciens glaciers des Vosges n’étaient pas plus grands que ceux de la Suisse ne le sont aujourd’hui. Quand le géologue se trouve en présence d’une moraine de 600 mètres de haut, telle que la Serra, près d’Ivrée, ou au milieu d’une contrée couverte tout entière de débris erratiques, telle que les environs de Varese, en Piémont, ou ceux de Peschiera, en Vénétie, son imagination est effrayée et sa raison hésite. Rien de semblable dans les Vosges. Tous les effets du glacier sont sous nos yeux comme nous les retrouvons en Suisse, la glace seule a disparu. Ainsi un glacier descendait jadis des hauteurs du Hoheneck dans la vallée de Saint-Amarin ; il avait 15 kilomètres de long. Dans son trajet, il a déposé des débris en amont de tous les monticules qui font saillie dans la vallée, poli et strié les roches, schisteuses où elle a été creusée et édifié à son extrémité trois moraines terminales couvertes de blocs erratiques au milieu desquels s’élèvent les belles manufactures de Wesserling. Deux longues moraines latérales accompagnaient ce glacier dans tout son parcours. Les limites de ce glacier et celles des affluens sont si évidentes que M. Éd. Collomb[1] a pu restaurer l’ancien glacier de Saint-Amarin, comme un habile architecte restaure un temple antique à

  1. Preuves de l’existence d’anciens glaciers dans la vallée des Vosges, pl. I.