Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 67.djvu/62

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

monde entièrement nouveau pour lui. On voyait que son pied, quoique baisé par tout le monde, ne se reposait pas avec confiance sur ce sol qu’il touchait pour la première fois….. Le mélange d’une cour tout ecclésiastique, où des hommes qui n’étaient même pas tonsurés portaient le vêtement épiscopal, avec cette autre cour militaire resplendissante du luxe et de l’éclat bruyant des armes, présentait le plus saisissant contraste. On aurait pu se croire au Japon le jour où l’empereur du ciel et l’empereur de la terre se rendent visite devant le peuple….. Au ministre Fouché, qui lui demanda comment il avait trouvé la France, le saint-père répondit avec un visible attendrissement : « Béni soit le ciel! je l’ai traversée au milieu d’un peuple à genoux. » A Paris, où bientôt il fut conduit dans la voiture de l’empereur, mais de nuit, afin que les habitans de la capitale ne vissent pas leur souverain assis à la gauche du pape, Pie VII fut logé au pavillon de Flore dans un appartement voisin de celui de son hôte. Là, comme à Fontainebleau, comme dans tous les lieux où il lui fut donné de se produire en public, le saint-père accueillit tout le monde avec une noble et paternelle bienveillance. « Il semblait voir un père au milieu d’une famille dont il eût été longtemps séparé, continue le même auteur, peu suspect à coup sûr de partialité. Il n’était cœur si dur dont son regard ne perçât la cuirasse, et personne ne s’est rencontré qui ait pu lui échapper<ref> Les quatre Concordats, par M. de Pradt, ancien archevêque de Malines, t. II, p. 210. </<ref>. »

Il n’entre pas dans notre sujet de raconter en détail le séjour du pape à Paris ni la cérémonie du sacre. Nous croyons que le cardinal Consalvi se trompe quand il assure que l’empereur fit intentionnellement attendre le saint-père sur son trône, auprès de l’autel de Notre-Dame. Ce retard, qui causa une visible anxiété à Pie VII, tenait à des dispositions mal prises, et fut tout à fait involontaire. Il nous semble sans intérêt de constater avec celui qui faisait office de maître des cérémonies du clergé, que pendant le cours assez long de la solennité l’empereur, soit fatigue, soit mauvaise disposition de santé, ne fit que bâiller. Nous passerons ce côté des choses purement extérieur et par conséquent assez peu significatif, et nous signalerons seulement deux incidens qui échappèrent alors à la connaissance du public, mais qui sont plus de nature à révéler le fond même des sentimens de l’empereur.

Le sacre d’un prince, c’est-à-dire le sceau divin mis à ses grandeurs mondaines et représenté par l’onction qu’il reçoit des mains du prêtre, est aux yeux de l’église sinon un véritable sacrement, du