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de recevoir de Paris l’assurance qu’il ne sera rien innové dans la circonstance actuelle contrairement à l’honneur et à la dignité du souverain pontife[1]. » — « Il saute aux yeux, continue le secrétaire d’état dans une dépêche subséquente, combien la dignité et l’honneur de sa sainteté seraient compromis, si la cérémonie même qu’elle est appelée à faire venait à être faite par un autre main que la sienne. Cela ne serait point décent[2]. »

A cet égard, le cardinal Fesch et M. de Talleyrand avaient donné avec force protestations les mêmes assurances solennelles, mais vagues, que sur tous les autres points en litige. Le pape, si modeste qu’il fût, souffrit beaucoup de cette action imprévue de l’empereur; il la ressentit non point comme un affront fait à sa personne, mais comme une atteinte portée à sa dignité pontificale. Par amour de la paix, pour ne point compliquer par aucune apparence de susceptibilité la situation déjà si tendue, décidé d’ailleurs à n’attacher de sérieuse importance qu’aux choses qui intéresseraient directement la religion et l’état des âmes en France, Pie VII ne protesta point. Il prévint seulement que, si dans la relation officielle du Moniteur les détails de la cérémonie de Notre-Dame étaient rapportés autrement qu’ils avaient été à l’avance tracés dans le cérémonial convenu entre les deux cours, il réclamerait et prendrait soin d’établir qu’il n’avait point librement et de plein gré consenti à aucun changement. De là cette circonstance singulière, fort remarquée dans le temps et jamais expliquée, du silence absolu gardé par le Moniteur sur la cérémonie dont la description remplissait toutes les feuilles publiques de la France et de l’étranger. On crut d’abord à un retard motivé par le besoin qu’éprouvait l’organe officiel du gouvernement d’être plus exact et plus complet que les journaux ordinaires. On attendit, puis l’attention se porta vite ailleurs, car elle avait alors de quoi se distraire, et bientôt l’on n’y pensa plus.

Quant au pieux pontife, sa pensée était uniquement tendue vers le but religieux, le seul utile, le seul vraiment important du voyage qu’il avait entrepris. S’il avait donné au nouveau souverain de la France une marque si éclatante de considération publique et d’affection personnelle, il entendait en faire exclusivement profiter la cause sacrée dont il était le défenseur. Plus il avait montré de condescendance poussée jusqu’à l’abnégation dans les choses terrestres qui regardaient les intérêts ou l’orgueil de l’empereur, plus il se flattait de le trouver à son tour conciliant sur les questions

  1. Note 1 jointe à la dépêche du 7 août du cardinal Consalvi au cardinal Caprara.
  2. Lettre du cardinal Consalvi au cardinal Caprara, 2 septembre.