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penchans, sans faiblesses ni flatteries, mais comme un tendre père qui attire à lui ses enfans en se rajeunissant pour eux, en se prêtant à leurs goûts, tout en corrigeant leurs défauts, tout en les détournant des dangers de la vie, et en leur enseignant les voies étroites et sévères de la sagesse et de la vérité.

Que ceux pour qui la foi chrétienne n’est qu’une croyance comme une autre, une œuvre purement humaine, par conséquent mortelle et périssable, se flattent d’en avoir plus promptement raison, s’ils la tiennent isolée de la partie vivante de notre société, séquestrée, pour ainsi dire, dans le cercle des idées rétrogrades et absolutistes ; que ceux-là poursuivent de leurs sarcasmes le catholicisme libéral, traitent ses projets de chimères et triomphent de ses échecs, il n’y a rien que de très naturel : ils jouent leur jeu, ils soutiennent leur cause ; mais que de vrais chrétiens, de sincères croyans se coalisent avec eux ou tout au moins suivent la même ornière, marchent au même but, repoussant, eux aussi, toute paix, toute conciliation avec l’esprit moderne, se raillant des pacificateurs et s’opposant à leurs desseins comme à des tentatives non pas seulement impraticables, mais coupables, impies, sacrilèges, c’est là plus qu’une erreur, plus que de l’aveuglement, c’est pour l’avenir des croyances chrétiennes un grave et alarmant symptôme.

Il n’y aurait pas à en prendre souci, si un petit nombre de fidèles, quelques esprits chagrins, quelques vieillards moroses s’obstinaient seuls à ces idées : le temps en ferait justice ; mais, ne vous y trompez pas, c’est la masse qui penche de ce côté. Les idées de conciliation ne sont encore à la portée que d’une certaine élite. Le groupe où elles sont nées voilà plus de trente ans n’est pas beaucoup plus nombreux, et peut-être est-il moins en faveur, moins soutenu par l’opinion. Que de raisons cependant pour le mieux accueillir ! N’est-il pas aujourd’hui tout autrement conduit qu’à ses débuts ? Qui peut-il effrayer par ses témérités ? En politique, il n’aspire qu’aux libertés les plus modestes ; en religion, il n’est ultramontain que dans la juste mesure exigée par la foi. Que lui manque-t-il donc ? Sa cause est-elle obscure, mal exposée, mal défendue ? Jamais il n’en fut peut-être de mieux mise en lumière. Dieu lui a suscité d’incomparables défenseurs. Quand une idée est patronnée par l’infatigable énergie, la pénétrante éloquence de M. l’évêque d’Orléans, par des maîtres de la parole comme M. de Montalembert, des écrivains comme M. Albert de Broglie et le P. Gratry, quand elle a déjà vu mourir à son service de jeunes et vaillans champions comme Charles Lenormant, Frédéric Ozanam, Henri Perreyve, si elle n’attire pas tout à soi, si elle ne fait pas d’emblée de larges et rapides conquêtes, si elle ne s’empare que de l’approbation des