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certains étages de la société les sentimens chrétiens se réveillent eux-mêmes ? Demandez-lui si ces largesses ne lui sont confiées que par la vanité et l’envie de paraître, si ce n’est pas plutôt la modestie la plus cachée qui les verse le plus abondamment, signe évident que la source est chrétienne. Sans doute on peut donner, donner beaucoup même sans croire, l’un est plus malaisé que l’autre ; mais la vraie charité est comme inséparable des deux vertus dont elle est sœur : celui qui donne bien espère et croit en même temps.

Soyez donc rassurés, la foi chrétienne existe encore ; elle vit, elle agit, elle gagne des âmes ; elle n’a pas oublié son antique secret, elle peut se rajeunir encore et s’associer aux destinées du monde. Il faut seulement lui en laisser le temps. Si elle hésite à se ranger aux modernes idées, ce n’est ni stérilité ni paresse d’esprit. La faute en est d’abord à ce siècle lui-même, qui s’explique si mal, et ne sait pas encore dire clairement ce qu’il veut. « Les principes de 89, » ce sont des mots bien élastiques. Quel sens leur donne-t-on ? comment veut-on les appliquer ? Est-ce à la liberté et à ses devoirs sévères, est-ce aux caprices de la démagogie, ou bien encore à l’esprit militaire que le siècle entend appartenir ? Le 2 décembre, ce temps d’arrêt dans notre apprentissage des institutions libres, n’a pas laissé non plus que de compliquer les choses et d’ajouter une cause de plus au trouble et aux incertitudes des esprits religieux. Qu’allait faire ce nouvel empire ? prendrait-il exemple du premier, et verrait-on la papauté une seconde fois gardée à vue par des gendarmes ? N’était-ce pas plutôt la tradition de Charlemagne qu’il se proposait de suivre, et n’apportait-il pas aux croyances chrétiennes un véritable Eldorado ? On l’avait si bien dit que la plupart s’y laissèrent prendre ; mais tout commence à s’éclaircir : ce n’est déjà plus l’espoir, encore moins la reconnaissance qui enchaîne les croyans et les rend incrédules aux bienfaits de la liberté. Encore un peu de temps, et la lumière sera complète. Si, comme il le faut croire, la vraie destinée du siècle, devenue claire à tous les yeux, se concilie avec les grands principes qui constituent le christianisme et devient un progrès nouveau dans la marche de l’humanité, ne craignez rien, le christianisme n’y sera pas rebelle, il s’en fera le promoteur. Du moment qu’il est encore vivant, qu’il existe autrement que de nom, — et, nous venons d’en acquérir la preuve, ce n’est pas la vie qui lui manque, — l’intelligence ne lui fera pas défaut.

Savez-vous le vrai sujet d’alarme, le vrai péril ? C’est que le christianisme n’est pas seul à gagner du terrain. Sans doute il marche, il agit, il travaille ; ses progrès ne sont pas contestables : ce qui l’est encore moins peut-être, ce sont les progrès, les conquêtes,