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autre. Les meilleurs prêtres, les plus onctueux prédicateurs, les plus profonds théologiens ont un défaut irrémédiable : ils sont religieux de profession ; les vérités qu’ils soutiennent semblent être leur patrimoine, et en plaidant la plus sainte des causes ils n’ont l’air que de plaider pour eux, tandis qu’un historien, un philosophe, un homme d’état, et avant tout un esprit libre qui, après mûr examen et longues réflexions, non sans combat, non sans effort, est devenu chrétien, et qui démontre à la clarté du jour, par preuves surabondantes, que ni son esprit ni sa raison n’en souffrent le plus léger dommage, que le penseur et le chrétien vivent chez lui sans peine, dans la meilleure intelligence, voilà de quoi donner courage à bien des gens, dissiper bien des doutes, affermir bien des hésitations ; c’est à la fois le meilleur des sermons et la plus sûre des propagandes.

Comptez pourtant que des voix discordantes se mêleront au bienveillant concert qui doit accueillir un tel livre. Il y aura des récalcitrans, il y en aura d’abord parmi les réformés. Cette largeur de vues, cette suprême tolérance, n’y seront pas du goût de tout le monde. L’auteur s’entendra dire : — Vous nous abandonnez, vous êtes catholique d’esprit et d’intention ; soyez-le tout à fait. — Pauvre querelle assurément, triste façon de reconnaître le dévouement le plus fidèle, les services les plus signalés. En fait d’ingratitude, l’esprit de secte est passé maître. Aussi ne soyez pas surpris qu’autour de l’urne électorale qui quelquefois les rassemble, tous les protestans de Paris n’aient pas toujours à cœur d’exprimer à M. Guizot, par un vote unanime, leur juste et respectueux orgueil de le compter dans leurs rangs. N’oublions pas d’ailleurs que, si ces méditations ont le tort pour quelques protestans d’être trop catholiques, certains catholiques en revanche les voudraient encore moins protestantes. Nous ne disons pas que les catholiques même les plus exclusifs ne soient au fond du cœur pleins d’estime et de reconnaissance pour une œuvre aussi évidemment utile à la cause du christianisme ; seulement cette estime et cette reconnaissance, ils ne s’y livrent qu’à leur corps défendant. Ils louent très haut les intentions et le courage de l’auteur ; quant à l’œuvre elle-même, ils ne se bornent pas à mettre prudemment dans l’ombre les points de dissidences, ils laissent malgré eux percer d’inopportunes objections. Nous nous permettons de leur dire que ce n’est pas là comprendre les circonstances où nous sommes et le besoin suprême d’alliance et de concorde qu’impose au christianisme la formidable guerre allumée contre lui. Que dans les temps ordinaires, quand il n’y a de lutte engagée que sur les questions de forme et non sur le fond des choses, les croyans se complaisent à n’accepter, à ne glorifier que les écrits où résonne le pur et fidèle écho de leur foi, rien de mieux :