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latitude nord. Placée au milieu d’un amphithéâtre de collines dont les flancs dénudés concentrent les rayons d’un soleil implacable, cette ville est un foyer brûlant où l’on ne serait pas tenté de s’arrêter, si elle n’était pas la tête du chemin que prennent les caravanes pour pénétrer dans la Nubie supérieure. Le Nil quitte à ce point la direction du sud, tourne vers l’ouest, et pénètre dans une contrée rocheuse et accidentée que les Arabes appellent la Vallée-des-Pierres. De nombreux écueils et plusieurs cataractes en interrompent le cours. Le désert qu’il faut traverser pour atteindre les frontières de la Nubie supérieure a près de quatre-vingts lieues de longueur. Nos voyageurs le franchirent en une semaine à dos de chameau, en marchant quinze heures par jour sur un sable rougeâtre et au milieu de rochers de basalte éblouissans. C’est dans ce désert que l’armée de Cambyse fut obligée, après avoir dévoré ses bêtes de selle et de somme, de recourir au terrible moyen de se décimer pour se nourrir. La caravane rallia de nouveau le Nil à Abou-Hamed, le longea pendant huit jours à l’ombre d’un rideau de palmiers, et s’arrêta enfin à Berbère, ville de cinq mille âmes et centre d’un commerce assez considérable entre le Kordofan et les villes du littoral de la Mer-Rouge.

Baker avait compris pendant cette première partie de son voyage que sa liberté d’action serait à chaque instant paralysée, s’il n’acquérait pas une connaissance suffisante de la langue arabe. Obligé de se servir d’un drogman, il ne saurait la vérité qu’interprétée et peut-être trahie par lui ; il n’ignorait pas qu’il trouverait facilement dans les contrées du Nil supérieur des nègres libres, affranchis ou esclaves, en état de parler l’arabe, tandis qu’il n’en rencontrerait aucun sachant l’anglais. Il se mit en conséquence à apprendre l’arabe, et il consacra une année à cette étude ; mais, pour mettre ce temps à profit dans l’intérêt de la science géographique, il résolut de l’employer aussi à étudier les bassins de l’Atbarah et du Bahr-el-Azrek ou Fleuve-Bleu, les deux affluens qui recueillent les eaux de L’Abyssinie pour les déverser dans le Nil. C’est à ces tributaires que ce fleuve doit ses variations si extraordinaires de niveau et la vertu fécondante qui fait la richesse de l’Egypte.

L’Abyssinie est formée par une succession de plateaux en étages fort élevés, qui séparent le bassin de la Méditerranée de celui de l’Océan-Indien. Des chaînes de hautes montagnes les relient et les enveloppent comme d’une ceinture à l’est et au sud, ce qui donne à ce pays la forme d’un amphithéâtre semi-circulaire, long de 200 lieues et large de 150. De ces chaînes de montagnes se détachent de nombreuses ramifications qui se subdivisent en descendant, et viennent mourir dans les plaines qu’arrose le Nil. Les deux artères que nous avons nommées, l’Atbarah et le Bahr-el-Azrek, reçoivent