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orientale de l’Afrique, Speke et Grant avaient pris d’abord le chemin qui aboutit à Kasèh, sous le 5e de latitude sud et le 30° 36′ de longitude est. Laissant à l’ouest la route qui conduit en droite ligne au lac de Tanganika, que Burton et Speke découvrirent en mars 1858, et au nord celle que ce dernier voyageur a prise, au mois d’août suivant, pour arriver à la découverte du lac Victoria, ils s’étaient d’abord dirigés au nord-ouest, puis avaient incliné à l’est pour se rapprocher du lac Victoria. Ils l’avaient contourné à son extrémité ouest et en avaient suivi les rives septentrionales, convaincus qu’ils devaient rencontrer le Nil dans cette direction. En effet, après avoir parcouru une cinquantaine de lieues, ils trouvèrent, le 28 juillet 1862, un cours d’eau de 4 à 500 pieds de large et très profond, qui en sortait à 21’ au nord de la ligne et sous le 31° 5′ de longitude est. Ils le reconnurent jusqu’aux chutes de Karouma, à 50 lieues de sa sortie ; là ils furent obligés de le quitter à cause d’un circuit considérable qu’il fait à l’ouest, et ils le retrouvèrent à 35 lieues plus au nord. Sur de nombreux renseignemens, ils purent faire le tracé de ce circuit. Le fleuve continue son cours vers l’occident, pénètre dans un lac appelé Louta-N’zigé, dont il suit pendant quelques lieues les rives, et se dirige ensuite de nouveau vers le nord. Ils étaient donc convaincus que le cours d’eau qu’ils avaient vu sortir du grand lac Victoria est bien celui qui coule à Gondokoro et qui va se jeter dans la mer Méditerranée après avoir traversé plus de 30 degrés de latitude.

Sans vouloir amoindrir les belles découvertes de ces illustres voyageurs, nous avons montré néanmoins que leur solution du problème des sources du Nil laissait beaucoup à désirer, surtout en ce qui touche au lac Louta-N’zigé. Comment le Nil y entre-t-il et en sort-il ? Ne fait-il que côtoyer le lac, ou leurs eaux se confondent-elles ? Mais dans ce dernier cas, en perdant son lit, il pourrait bien perdre aussi son nom, et le fleuve qui a sa sortie au nord du lac Louta-N’zigé pourrait bien être la continuation non pas de celui qui vient du lac Victoria, mais d’un autre cours d’eau tombant dans le lac Louta-N’zigé au sud. C’est ainsi que le Rhône, qui sort du Léman à Genève, a son origine à l’autre extrémité du lac dans le Valais. Au reste Speke lui-même était préoccupé de cette lacune et en comprenait toute la gravité. On s’en aperçoit aux avis qu’il donne à son ami Baker. Celui-ci ne pouvait se défendre, au milieu de la joie qu’il éprouvait de retrouver son ami, d’un certain regret de voir par l’arrivée de ses compatriotes le but de son expédition amoindri, sinon supprimé. Il se faisait un devoir d’aller à leur recherche dans les régions équatoriales, où il les croyait retenus, et les voilà de retour ! Il espérait être l’heureux mortel qui attacherait son nom à la découverte des sources du Nil, et cette découverte est