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que l’on ne pouvait plus distinguer les fenêtres des appartemens, et il tomba de si grandes quantités de cendres que les arbres et les toitures pliaient sous ce fardeau. Évidemment elles étaient apportées par un vent supérieur, par le contre-alizé du sud-ouest. Pareil fait se renouvela au 20 janvier 1835, à l’époque d’une éruption considérable du volcan de Coseguina, situé dans le lac de Nicaragua, qui envoya des cendres dans une direction contraire aux alizés, jusqu’à la Jamaïque, à une distance de 1,000 milles. Léopold de Buch nous fournit un renseignement plus précis en nous apprenant que les voyageurs qui gravissent le pic de Ténériffe commencent l’ascension au milieu des alizés du nord-est, qu’ils traversent ensuite une région calme, et rencontrent enfin un vent du sud-ouest si considérable qu’ils ont peine à y résister : c’est le contre-alizé, et comme il ne commence à se faire sentir qu’à 2,500 mètres, c’est à cette hauteur environ que se fait la séparation des deux grands fleuves aériens qui transportent l’air en deux sens opposés.

Cependant à peine a-t-on accepté et démontré cette théorie que le calcul s’en empare et nous conduit à une absurdité. Considérons le courant polaire partant d’un point situé sous le 80e degré de latitude. Il a vers l’est, à son départ, la vitesse de 70 lieues. Arrivé au-dessus de Paris, qui fait 250 lieues à l’heure, il retarde et court vers l’ouest avec une vitesse relative, égale à la différence entre 250 et 70, ou à 180 lieues. A Mexico, cette différence serait 300, à l’équateur 330 lieues, ce qui est plus que la vitesse du son. Inversement le courant équatorial prendrait vers l’est une vitesse relative de 30 lieues à Mexico, de 150 à Paris et de 300 au Spitzberg, vitesse dix fois aussi grande que celle des ouragans, qui serait capable de renverser les montagnes, de crever l’enveloppe solide de la terre, et d’enflammer par le frottement les objets combustibles.

Non-seulement il ne se produit rien de pareil, mais on peut même remarquer qu’à l’exception des contrées alizéennes l’air est généralement calme, que les vents, s’ils surviennent, sont très modérés, et qu’ils soufflent alternativement dans les diverses directions. Il faut donc absolument qu’une action compensatrice vienne à chaque instant modérer les vitesses désastreuses que le mouvement terrestre et le soleil imprimeraient fatalement à l’atmosphère.

Ce qui rétablit le calme, ce sont les dérivations descendantes du courant équatorial supérieur. En effet, chacun des filets de ce vent descendant est animé, comme le courant dont il se sépare, d’une vitesse vers le nord-est, et puisque le courant polaire auquel il se mêle en possède une autre vers le sud-ouest, les deux vitesses se retranchent et tendent à se compenser. Sous la zone torride, au voisinage de l’anneau d’aspiration, ces dérivations n’existent pas,