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autant d’eau qu’il en tombait. » A mesure qu’il s’éloigne vers les Cordillères, le cloud-ring perd de sa provision d’eau, il laisse le reste sur ces montagnes, et derrière leurs remparts ainsi qu’à l’ouest du Mexique il ne pleut jamais. Les hautes montagnes du Thibet produisent le même effet dans l’Asie, et c’est pour cela que commence avec le désert de Gobi la suite ininterrompue des pays éternellement desséchés dont le Sahara est le dernier.

Le contraire a lieu dans nos pays tempérés d’Europe. L’atmosphère y est transportée de l’ouest vers l’est, et ce sont les côtes occidentales qui reçoivent le plus d’eau. Une condition spéciale augmente encore la quantité de pluie qui y tombe : c’est la température élevée du nord de l’Atlantique, température entretenue par des circonstances qui méritent d’être expliquées.

Échauffées et rendues moins denses à l’équateur, les eaux de l’Atlantique y forment une sorte de bourrelet ; refroidies et alourdies aux pôles, elles s’y abaissent, et un double courant équatorial et polaire tend à s’y former. C’est le mouvement de l’air qui en va déterminer la direction. On ne peut nier l’effet des vents sur la mer ; ils la rident et y découpent des vagues qu’ils chassent devant eux, augmentant ou diminuant les hauteurs des marées suivant qu’ils concordent avec la marche du flot, ou bien qu’ils s’y opposent. Or, puisqu’au nord et au midi de l’anneau d’aspiration les vents alizés soufflent en convergeant du nord et du sud vers l’ouest, ils combinent leurs efforts pour entraîner dans la direction de l’Amérique les eaux les plus chaudes de l’Atlantique ; elles commencent leur mouvement au sud du Cap-Vert, et le continuent avec une vitesse croissante jusqu’au cap San-Roque.

En cet endroit, la côte américaine offre une configuration remarquable : avançant graduellement dû nord et du sud, elle pousse dans l’est une pointe avancée qui partage naturellement le courant en deux rameaux, l’un dirigé vers le cap Horn et que nous ne suivrons pas, l’autre qu’on nomme le gulf-stream, et qui monte vers le nord. Il absorbe la rivière des Amazones, hésite un instant devant les petites Antilles où il détache une branche ascendante, pendant que le gros du mouvement s’enfonce dans le golfe du Mexique, dont il suit toutes les sinuosités. Il passe devant la Nouvelle-Orléans, et, se serrant entre Cuba et la Floride, franchit la passe de Bahama en tournant brusquement au nord. C’est là qu’il est le plus étroit, le plus rapide, semblable à une majestueuse rivière, au Mississipi ou à l’Amazone. Ses eaux sont bleues comme celles des lacs des montagnes, plus salées que dans le reste de l’Océan par suite de l’évaporation qu’elles ont subie, et, ce qui nous importe surtout, elles ont une température de 26 à 30 degrés qui diminue avec la profondeur, mais reste encore égale à 20 degrés à 900 mètres.