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il rende à l’église, pour le service du culte religieux, une partie de ce qu’il lui prend ; il faudra que cette dotation aille grossir la dette publique, ou soit inscrite au budget sous un titre particulier. Voilà des charges qui grandissent singulièrement, qui dépasseront 50 millions ! — D’un autre côté, que produira réellement pour l’état cette épineuse et complexe opération de la vente des biens du clergé par voie d’autorité ? Il ne faut pas s’y méprendre, cette opération ainsi faite rencontre de redoutables difficultés, dans la situation économique et morale de l’Italie ; elle peut devenir la source d’une immense déception. Je veux citer l’opinion d’un homme qui a aujourd’hui quelque poids, puisqu’il vient d’entrer au ministère des finances, M. Ferrara, un des plus habiles économistes de l’Italie, qui analysait tout récemment cette situation. — Comment se promettre de bien éclatans résultats, disait à peu près M. Ferrara, dans un moment où toutes les branches de la production italienne sont comme frappées de paralysie, où les propriétaires en sont à se demander tous les jours s’ils ne feraient pas mieux de laisser incultes les terres qu’ils ont reçues en héritage, lorsque les tendances du fisc aussi bien que de certaines doctrines fort en honneur semblent consister dans la recherche incessante de tout ce qui peut exténuer l’industrie agricole, quand déjà l’aliénation des biens domaniaux marche avec une lenteur trop significative ? Ajoutez que les biens du clergé qu’il s’agit aujourd’hui de jeter dans la circulation sont d’une nature spéciale ; ce sont des biens « enlevés à l’église. » Bon gré, mal gré, la vente suscitera des défiances, des ombrages qui empêcheront les uns d’acheter, dont les autres profiteront pour acheter à bon marché, — de telle sorte, conclut M. Ferrara, que « ce sera un grand succès si le ministre des finances réussit à vendre tout au plus sur la base de 100 livres pour chaque 10 livres de rente, » et en fin de compte il se peut même que l’état arrive à peine à recouvrer de quoi faire face aux charges qu’il aura acceptées. — M. Ferrara assombrissait peut-être un peu les choses. La difficulté n’est pas moins là, dans l’incertitude d’une opération mal engagée, parce qu’elle sépare la question financière de la question politique, et c’est sous l’influence du sentiment intime de cette situation, que bien des esprits en sont, depuis deux ans, à chercher ailleurs la solution, que le gouvernement lui-même en venait, il y a quelques mois, à présenter un projet — qui, pour le moment, n’a conduit à rien, il est vrai, si ce n’est à la mort du ministère de M. Ricasoli.

Le projet, je pourrais bien dire d’où il vient, où il a été formé. L’idée première, on la retrouverait aisément dans un plan sommaire par lequel le comte de Cavour espérait, dès le commencement de 1861, régler les affaires de Rome et de l’église. C’était le code