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semblait les séparer pour jamais, c’est que, dans l’embarras bien naturel de savoir avec qui traiter, il paraissait reconnaître une sorte de féodalité épiscopale, il donnait aux évêques une puissance exorbitante en les faisant seuls arbitres de la vente des biens du clergé et de la répartition des ressources de l’église. Je ne parle pas de la combinaison qui faisait d’une compagnie étrangère l’exécutrice, au point de vue financier, de cette grande mesure, et qui ne laissait pas d’être onéreuse pour l’état, seul exposé à tous les risques de l’opération avec d’insuffisantes garanties.

C’étaient là en effet les points vulnérables ; mais enfin, dans une affaire aussi compliquée que délicate, ce n’étaient que des détails secondaires, des imperfections qui pouvaient être aisément rectifiées, qui l’auraient été infailliblement dans la discussion, s’il n’y avait eu une cause supérieure, insaisissable, venant arrêter l’idée elle-même au moment où elle allait passer dans la réalité. La vérité est malheureusement qu’il y a au-delà des Alpes deux courans en quelque sorte, deux traditions qui se croisent sans cesse et s’entrechoquent, — l’une toute libérale, triomphalement inaugurée par Cavour, maintenue avec une invariable fidélité par les hommes les plus éminens qui ont contribué à l’émancipation italienne, M. Ricasoli, M. Minghetti, M. Boncompagni, etc., — l’autre puissante encore, confuse, incohérente, où par un concours étrange se rencontrent ceux qui obéissent à des préjugés purement révolutionnaires et ceux qui gardent toujours dans une situation si nouvelle les idées des légistes d’autrefois, les habitudes méthodiques de vieux conservateurs des privilèges de l’état. Toute la politique de l’Italie dans les matières religieuses depuis quelques années se ressent de cette lutte intime et obscure. Toutes les lois qui ont été présentées sur les couvens, sur les affaires ecclésiastiques, et elles sont nombreuses, elles portent les noms des gardes des sceaux qui se sont succédé, M. Pisanelli, M. Vacca, M. Cortese, ces lois, dis-je, portent la marque des contradictions qui sont dans les esprits, et par une gradation singulière, à mesure qu’elles se succèdent, elles semblent s’éloigner de plus en plus de la pensée primitive, qui était d’asseoir la société civile dans son indépendance en la dégageant des immixtions compromettantes dans toutes ces questions d’église. La liberté religieuse, « l’église libre dans l’état libre, » ne cesse pas sans doute d’être le mot de ralliement des opinions ; mais on recule devant la réalisation de l’idée, pour ne pas se désarmer par. un, vague, sentiment d’inquiétude et de défiance ; on ajourne — jusqu’à la paix, — sans remarquer que la meilleure paix est là justement, que la vraie sauvegarde pour l’Italie nouvelle, que sa défense la plus espace, est moins dans l’arsenal des réglementations et des lois restrictives que dans l’affirmation incessante, dans l’application