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a en France un pouvoir public qui peut, en dehors de toute sanction semblable, appliquer en une année à des travaux municipaux une somme égale ou supérieure aux 290 millions d’obligations communales émises en 1866 et dans les deux premiers mois de 1867 par le Crédit foncier ?

C’est une prérogative semblable qui est énorme, quel que soit le nom légal qu’il plaira de donner à l’opération. Pour caractériser l’emprunt, est-il permis de se retrancher dans des artifices de style et de forme, et ne faut-il pas prendre surtout en considération l’importance du résultat ? La durée des engagemens que peut souscrire une commune est bien moins que l’étendue et l’application de ces engagemens la cause qui avait déterminé le législateur à couvrir les opérations financières des administrations municipales d’une tutèle attentive. Qui ne voit l’influence économique, politique et sociale que peuvent exercer les entreprises du préfet de la Seine, s’il lui est permis d’y apporter à la fois, dans une courte durée de temps, une force de capital calculée par des centaines de millions ? quelle intervention prodigieuse on lui permet d’exercer ainsi sur les valeurs foncières, sur le prix des choses, sur les rapports de la main-d’œuvre et du capital, sur les salaires, sur la condition de la population ouvrière de Paris ? Qu’on suppose que les sommes dépensées au compte de la ville restent renfermées dans les limites de 300 millions, ces 300 millions ne sont employés qu’à percer des rues et des boulevards, à ouvrir des places, à démolir des maisons expropriées à des prix exagérés par la simultanéité des achats et des travaux ; ils ne servent qu’à mettre en valeur des situations qui appellent de la part du public un mouvement de capitaux, plus énorme encore. Partout où la ville a fait son travail de démolition et de préparation de voies, il y a de nouvelles constructions à élever. Un immense courant de capitaux est entraîné sur une seule branche de production, sur une seule industrie, celle des bâtimens. L’expérience des faits économiques a invariablement démontré que les entraînemens de ce genre excités par une initiative artificielle étaient toujours suivis de réactions funestes. Songe-t-on à la masse de salaires qu’alimente cette fureur de démolition et de construction ? Quand l’œuvre des embellissemens parisiens sera terminée, que fera-t-on de cette armée d’ouvriers accoutumée à des rémunérations extraordinaires ? Croit-on que ces travaux engagés sur une si vaste étendue, poussés tous à la fois avec tant d’impétuosité, qui accumulent sur une branche de la production tant de bras et y créent des chertés exceptionnelles de salaires et de prix, soient sans influence sur les malaises ou les aspirations que révèlent les mouvemens des classes ouvrières ? Se figure-t-on que les opérations financières de la ville de Paris, en assurant des ressources immédiates contre des promesses de remboursement éloignées et en ajournant la dette en bloc, ne soient point soumises à des conditions onéreuses, et que les contractons qui font crédit aux finances parisiennes oublient de comprendre dans le prix des forfaits