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de gros intérêts pour les sommes dont ils ont à faire l’avance ? Pour assurer la solidité des engagemens souscrits par la ville, on allègue la certitude des excédans du revenu parisien. Si riche que soit Paris, peut-être sous ce rapport se prépare-t-on des mécomptes ; qui oserait dire que le mouvement même des travaux accomplis ne détermine point par l’importation des matériaux une partie notable des accroissemens de revenus sur lesquels on s’appuie ? D’ailleurs quelle politique étrange d’aliéner d’avance pendant un nombre d’années les excédans de revenus ! Ces excédans sont les produits de taxes établies pour faire face à des besoins connus et prévus. Quand le produit des taxes a dépassé ces besoins, l’excédant au fond appartient au contribuable ; il doit lui faire retour sous forme d’allégement d’impôt. Une administration qui n’admet point à la discussion de ses projets les représentans des contribuables n’a point moralement le droit d’appliquer les excédans du revenu à la réalisation des projets d’une initiative solitaire. Voilà un aperçu des explications que l’on pourrait au moins avoir avec l’administration de la ville de Paris, soit dans un conseil municipal élu, soit au corps législatif, si l’on ne s’aveuglait pas au point de vouloir soustraire à la discussion préalable des opérations qui peuvent en une seule année donner lieu à un emprunt déguisé de 300 millions.

On n’accoutumera jamais les esprits sensés à ce laisser-aller financier. La ville de Paris dépense évidemment trop. Avec une population de dix-huit cent mille habitans, elle a un budget égal à celui du royaume de Belgique, qui a une population riche et industrieuse de cinq millions d’âmes. La politique des pays qui ont mérité d’être riches parce qu’ils ont su être prudens est bien différente. En Angleterre par exemple, on ne s’avise point de dépenser en luxe et en fantaisies le surplus des recettes. M. Disraeli n’avait point cette année à disposer d’un surplus bien considérable ; il l’a employé cependant, à la satisfaction de la chambre des communes, non à opérer des réductions sur les taxes, mais à inaugurer un système de remboursement de la dette. Les finances ne sont point d’ailleurs cette année la grande affaire de l’Angleterre. Le bill de réforme, voila l’œuvre que la politique anglaise doit accomplir sur elle-même, afin de recouvrer toute sa liberté d’action. Ce changement constitutionnel, tenté si souvent avec tant de maladresse ou si peu de bonheur, va s’accomplir enfin. Le bill de réforme de M. Disraeli est en train de réussir ; il a maintenant traversé toutes les épreuves critiques. Quelles ressources d’esprit M. Disraeli a dû mettre en œuvre pour parvenir à un tel résultat ! Ce politique, qui unit une si rare finesse à une patience où s’affermit une extraordinaire force de volonté, rencontrait les premiers et les plus graves obstacles dans le cabinet et dans son propre parti. Du cabinet, on le sait, il n’avait pu tirer d’abord qu’une vague déclaration de principes et non un projet de loi. Nous nous imaginons que rien que pour obtenir de ses collègues la série de résolutions qu’il portait à la chambre à l’ouverture de la session, le chancelier de l’échiquier dut avoir à vaincre bien des obstacles, se résigner à bien des