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Salmane-tzar, etc., ne rappellent-ils pas par leur nom comme par leurs procédés de gouvernement les empereurs qui tiennent aujourd’hui la Pologne sous le joug ? Je n’affirmerais pas qu’il y ait un fonds de vérité dans cette fantaisie philologique. Toujours est-il qu’en ne se montrant pas trop difficile sur les analogies, on peut trouver dans le monde politique tel qu’il est quelque chose qui ressemble de loin à la lutte du jéhovisme contre le molochisme, c’est-à-dire de la religion de la justice et de l’ordre légal contre celle de la violence et des caprices sanguinaires. C’est assez pour que le drame symbolique de M. David Lévi ait encore sa raison d’être.

L’introduction, où l’auteur expose quelle a été son intention, va chercher un peu loin de quoi la justifier. L’auteur effleure à ce propos bien des choses, il résume bien des idées, il émet bien des assertions, dont plusieurs seraient à discuter, sur le rôle de l’Orient et de l’Occident dans l’histoire, sur le caractère de la Bible et les misères d’Israël, sur les révolutions asiatiques, sur la fonction politique du prophétisme. Ces graves questions fourniraient de quoi parler longtemps, et ont suggéré à M. Lévi des considérations intéressantes, qu’il exprime en bon langage ; mais étaient-elles bien nécessaires ? Il voulait exprimer sous une forme dramatique et symbolique ses vœux pour l’Italie, sa pensée sur la voie la plus sûre d’arriver au salut ; rien de plus légitime qu’un tel plan. Il a emprunté à la Bible l’enveloppe poétique de cette pensée : rien de plus naturel encore de la part d’un écrivain Israélite que de confondre la patrie religieuse et la patrie natale, de chercher dans l’histoire de la première l’image des destinées de la seconde. La Bible n’a-t-elle pas d’ailleurs pour fonction traditionnelle et pour ainsi dire obligée de servir de commentaire figuratif à tous les âgés, à tous les peuples, à tous les événemens, et de se prêter avec une merveilleuse complaisance, entre les mains de ses interprètes, à toutes les applications ? C’est à tel point qu’on ne parvient pas sans effort à y lire purement et simplement l’histoire particulière qu’elle renferme « L’avantage ou l’inconvénient de ces symboles flottans qu’on trouve tout faits sous la main, c’est de comporter les interprétations les plus différentes. En commençant son œuvre, c’est l’Italie que l’auteur avait en vue et quand même il n’eût pas pris soin d’exposer directement sa pensée dans l’introduction et de l’expliquer de nouveau dans un intermède, l’application eût été assez transparente. La face des choses a changé, et l’allusion a cessé d’être vraie pour l’Italie ; eh bien ! le drame s’appliquera maintenant à autre chose, à la Pologne, à la Hongrie, et même, si vous y tenez, aux Candiotes. N’est-ce pas vraiment commode ?

Dès que l’auteur cherchait dans l’histoire du peuple hébreu une image de la passion de tous les peuples qui gémissent sous le joug, trois époques s’offraient à lui : la chute du premier temple, la ruine finale de Jérusalem, la dispersion du peuple juif et sa longue odyssée à travers les nations jusqu’à la révolution française. Cette dernière histoire est encore à faire et ne se concentrerait pas facilement de manière à entrer dans un cadre dramatique. La seconde montrait le judaïsme en présence du christianisme naissant, et exposait l’auteur à heurter des scrupules respectables ; ce qui eût été contre le but d’un livre tout pénétré de l’esprit de conciliation et de