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liberté. Le 7 du mois de décembre était le jour fixé pour sa sortie du château Saint-Ange, où il était moins surveillé[1]. Il ne l’attendit point. Craignant sans doute que les soldats impériaux, très mécontens de ne pas recevoir sur-le-champ tout ce qui leur était dû, ne missent obstacle à sa délivrance, il en devança le moment. Tout avait été préparé mystérieusement pour sa fuite. Le 6 décembre, vers la nuit, revêtu d’un costume de marchand et suivi d’un seul serviteur, il quitta sans être vu le château Saint-Ange, et se rendit à une fausse porte du jardin du palais de Saint-Pierre où se trouvait un cheval que Louis de Gonzague y avait placé. Clément VII, la tête couverte d’un chapeau à larges bords qui descendait sur ses yeux, le visage moitié caché par les plis d’un manteau dans lequel il était enveloppé, se jeta sur ce cheval, et, l’éperonnant comme s’il devait être poursuivi, il alla sans s’arrêter jusqu’à Capranica. Après une courte halte, il courut s’enfermer dans Orvieto, place entourée de fortes murailles, où seulement il se crut libre et en sûreté[2].

Il écrivit aussitôt à Lautrec, qu’il remercia d’avoir contribué par son approche à lui faire rendre la liberté. Il se justifia ensuite, dans une lettre adressée à François Ier, du traité qu’il venait de conclure avec l’empereur, et que la nécessité seule lui avait arraché. Il rendit grâce à ce prince d’avoir pris les armes pour sa délivrance, qu’il avait par là contraint l’empereur à opérer plus vite et à des conditions moins dures ; mais le souvenir de ses longues traverses, l’effroi encore plus que le ressentiment de ses affronts et de ses adversités, une captivité humiliante et désastreuse, Rome saccagée, Florence perdue, Reggio, Rubiera et Modène prises par le duc de Ferrare, Cervia et Ravenne usurpées par les Vénitiens, trois forteresses de l’église livrées aux impériaux, lui étaient toute envie de rentrer dans la ligue. Rien que nourrissant contre Charles-Quint de profondes animosités, il n’était pas disposé à rompre derechef avec lui. La paix qu’il voulait garder, il engageait François Ier à la faire. « Maintenant, mon très cher fils, lui disait-il, nous te prions, par cette affection qui nous a toujours liés l’un à l’autre, de bien tout examiner afin de guérir les blessures de la malheureuse chrétienté, de rétablir la paix universelle et d’obtenir la délivrance de tes enfans[3]. »

Le conseil que Clément VII donnait à François Ier était donné à Charles-Quint par son frère Ferdinand et par ses plus dévoués ser-

  1. « Oy VI de dizembre se hizo la deliberacion de su santitat, y queda libre en el castillo con gente suya â su disposicion... y dize que mañana se partira à Orbieto. — Dépêche de Perez à l’empereur, du 6 décembre 1527. — Ibid.
  2. Paol. Giovio, Vita di Pompeio Colonna. — Guicciardini, lib. XVIII.
  3. Lettre de Clément VII à François Ier, du 14 décembre 1527. — Dans Molini, Documenti di Storia italiana, t. Ier, p. 280.