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viteurs. Son chambellan Pierre de Veyre, qu’il avait chargé de ses instructions en Italie, après avoir vu l’état de ce pays et en avoir compris les périls, lui écrivait en le suppliant de s’entendre avec François Ier. « Je ne vois pas de moyen, lui disait-il, de porter secours à vos affaires, si l’on ne fait pas la paix avec les Français, car je les crains merveilleusement[1]. »

Les dispositions des deux monarques les portaient alors à un rapprochement dont ils sentaient également, quoique par des raisons diverses, la pressante nécessité. François Ier le désirait pour recouvrer ses enfans et pour mettre un terme à des dépenses qui épuisaient son royaume. Charles-Quint y inclinait aussi afin d’arranger les affaires d’Italie au profit de sa puissance et d’exécuter ses desseins sur l’Allemagne, qu’il voulait ramener à l’unité religieuse et défendre contre les Turcs. La défiance extrême que les deux princes nourrissaient l’un à l’égard de l’autre et les succès même remportés en Italie par l’armée française devaient être des obstacles à la paix, dont la négociation se continuait à Burgos. Charles-Quint, n’espérant plus depuis longtemps arracher la Bourgogne au roi, consentait à recevoir en échange les 5 millions d’écus d’or qu’il avait d’abord refusés, et dont le mode de paiement seul n’était pas encore tout à fait convenu; mais, s’il cédait avec sincérité sur la Bourgogne, Charles-Quint était exigeant et absolu à l’endroit de l’Italie. Il demandait que François Ier en retirât immédiatement son armée, qu’il abandonnât tout ce qu’il y avait pris et tout ce qu’il y occupait avant que ses deux fils lui fussent rendus. François Ier consentait bien à rappeler ses troupes du centre de la péninsule, et promettait d’évacuer Asti, Savone et Gênes, mais après la libération de ses enfans. Ne se fiant pas plus à Charles-Quint que Charles-Quint ne se fiait à lui[2], il craignait, s’il se désarmait et se dépouillait en Italie, que ses enfans ne fussent retenus en Espagne, tandis que l’empereur pensait que, s’il rendait d’abord le dauphin et le duc d’Orléans à François Ier, François Ier pourrait bien, après avoir recouvré ses enfans, demeurer en Italie. Des deux parts, on avait peur d’être trompé en ne prenant pas des sûretés anticipées contre un manque de foi dont Charles-Quint présumait le retour et François Ier la représaille. Ainsi d’un côté l’évacuation de l’Italie exigée avant la délivrance des enfans de France, de l’autre

  1. Lettre de Pierre de Veyre à l’empereur, écrite de Naples le 30 septembre 1527. — Dans Lanz, t. Ier, p. 248 à 251.
  2. L’évêque de Tarbes écrivait de Burgos au chancelier Duprat : « Et de ma par jusques à présent j’ay plus cogneu que deffience est cause de la longueur que maulvaise volonté et tiens pour assuré que qui pourroit persuader à l’empereur le bon vouloir que le roy lui porte et l’envie qu’il a que soit paix, il achepteroit l’amytié pour le grand besoing qu’il en a. » Dépêche du 22 nov. 1527. — Ms. Dupuy, vol. 495, f° 39.