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ponse[1]. L’empereur leur répondit : « Dites ce dont les rois vos maîtres vous ont donné charge ; vos privilèges vous seront gardés, et il ne vous sera fait nul déplaisir dans mes royaumes. »

Alors le héraut Guyenne lut un écrit signé de sa main et commençant par ces mots : « Sire, le roi très chrétien, mon naturel et souverain seigneur, m’a commandé de vous dire qu’il a un merveilleux regret et déplaisir de ce que, au lieu de l’amitié qu’il a tant désiré avoir avec vous, il faut que l’inimitié précédente demeure et se maintienne encore. » Il était ajouté dans cet écrit que la guerre n’était pas près de finir entre l’empereur et le roi, parce que l’empereur refusait de délivrer les enfans du roi moyennant la rançon qui lui était offerte et de donner la paix à la chrétienté, parce que ses troupes avaient assailli et forcé la ville de Rome, outragé le saint-siège apostolique, profané les églises et les reliques, pris le pape qui, placé sur la chaire de Saint-Pierre comme vicaire de Dieu en terre, avait été retenu captif sous la garde d’un des principaux capitaines dont l’empereur s’était toujours servi dans ses guerres d’Italie. Les progrès des Turcs en Europe lui étaient attribués, et il était accusé de faire couler le sang en Italie, d’avoir mis par ses procédés tyranniques comme par ses injustes refus le roi d’Angleterre, les Vénitiens, les Florentins, le duc Sforza dans le parti du roi très chrétien qui l’attaquera et le grèvera en ses pays, terres et sujets, jusqu’à ce qu’il lui ait rendu ses enfans, qu’il ait délivré le pape, acquitté ce qu’il doit au roi d’Angleterre, et laissé ses confédérés en repos.

L’empereur répondit : « Je m’ébahis que le roi votre maître me défie, car, étant mon prisonnier de juste guerre et ayant sa foi, il ne le peut faire par raison. Ce m’est chose nouvelle d’être défié par lui, vu qu’il y a six ou sept ans qu’il me fait la guerre sans m’avoir défié. Et puisque par la grâce de Dieu je me suis défendu, comme chacun sait, sans qu’il m’en ait averti, j’espère, à cette heure que m’en avertissez, que d’autant plus je me défendrai, de sorte que le roi votre maître ne me fera rien, car, puisqu’il me défie, je suis à demi assuré. Quant à ce que vous dites du pape, nul n’en a plus de regret que moi. Ce qui s’est fait l’a été sans mon sçu ni mon commandement, par gens désordonnés et sans obéissance à nuls de mes capitaines, et je vous avertis que le pape est mis en sa liberté, hier j’en eus les nouvelles certaines[2]. »

Clarenceaulx fit alors son office, et à son tour il délia l’empereur au nom du roi d’Angleterre. Henri VIII fondait sa déclaration de

  1. Papiers d’état du cardinal de Granvelle, dans la grande collection des documens inédits sur l’histoire de France publiés par le ministère de l’instruction publique, t.. Ier, p. 310 et 311.
  2. Ibid. p. 314 et 315.