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Ainsi, en résumé, depuis le dépôt du crag de Norwich, et pendant la durée de toute la période glaciaire comprenant l’époque des glaces flottantes et celles des glaciers terrestres, les îles britanniques ont subi cinq changemens de niveau. Ai-je besoin d’ajouter que tous ces soulèvemens et tous ces affaissemens se sont opérés dans un espace de temps où les siècles sont des unités, sans qu’il soit possible d’articuler un chiffre certain? Néanmoins on peut essayer de fixer une date en cherchant une limite inférieure, un minimum de temps. Je suppose que les côtes de l’Angleterre aient oscillé comme celles de la Suède, qui montent aujourd’hui à raison d’un mètre environ par siècle. En estimant la première subsidence à 420 mètres, elle aurait mis 42,000 ans à s’effectuer, autant pour revenir à l’état actuel, ce qui fait 84,000 ans pour la durée de l’oscillation totale pendant l’époque glaciaire marine. Admettons maintenant un soulèvement de 180 mètres seulement, nécessaire pour que les îles britanniques soient réunies à l’Europe pendant la seconde période continentale, celle des glaciers terrestres : nous aurons pour la durée totale de l’oscillation 36,000 ans, et en somme 120,000 ans pour la durée des deux oscillations. Ce chiffre est un minimum. En effet, l’amplitude des oscillations est réduite autant que possible, car nous amoindrissons le second soulèvement et l’abaissement qui lui correspond, nous ne comptons point les intervalles de repos, et nous négligeons la dernière oscillation qui a précédée l’état actuel. Du reste en géologie, tout nous l’enseigne, on peut user du temps à discrétion, et quand on a voulu estimer une période quelconque, on a toujours trouvé qu’elle était trop courte, sans pouvoir en estimer exactement la durée. Des changemens aussi considérables que ceux dont nous venons de parler s’opèrent sous nos yeux sans que nous en ayons conscience : la croûte terrestre oscille comme l’enveloppe d’un aérostat avant qu’il soit complètement rempli de gaz; mais nous ne nous en apercevons pas. Nous ne vivons qu’un jour, et les traditions historiques les plus anciennes représentent à peine une semaine dans les siècles géologiques : de même les distances mesurées sur la terre ne sont que des points, comparées à celles qui séparent les étoiles fixes de l’astre bienfaisant dont nous recevons la lumière, la chaleur et la vie.


III. — LA PÉRIODE GLACIAIRE DANS LE NORD DE L’AMÉRIQUE.

Imaginons un instant que le climat de l’Amérique du Nord jusqu’à la latitude de New-York (latitude 40° 42’) soit celui du Groënland, l’Amérique se couvrira d’une calotte de glace émettant des prolongemens qui aboutiront à la mer. Cette calotte de glace et ces