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entre les deux époques glaciaires, et dont la durée comprend certainement des centaines et peut-être des milliers de siècles. Lyell n’hésite pas à prédire que l’on retrouvera des traces de l’existence de l’homme jusqu’à l’époque miocène, qui comprend les terrains tertiaires moyens. Bornons-nous à constater qu’il a certainement précédé la dernière période de froid, et l’a traversée en se nourrissant des animaux qui avaient survécu comme lui à la profonde modification du climat européen, cause de l’ancienne extension des glaciers.

Avant la première époque glaciaire, la température de l’Europe était très supérieure à celle dont ce continent jouit aujourd’hui. Jusque dans l’extrême nord, on reconnaît dans les terrains tertiaires supérieurs des plantes et des animaux qui indiquent un climat chaud. Les lignites de l’Islande, examinés par MM. Heer et Steenstrup, sont formés par les bois de tulipiers, de platanes, de noyers, d’une espèce de vigne et d’un cyprès, le Séquoia sempervirens, arbre délicat encore vivant en Californie. Dans les grès qui accompagnent les houilles du Spitzberg, M. Heer a reconnu des feuilles de cyprès, de hêtres, de peupliers, d’aunes, de noisetiers. Ainsi donc, avant d’être couverte de glaciers, cette île portait une végétation semblable à la nôtre : mêmes découvertes au Groenland[1]. L’Europe méridionale avait un climat sub-tropical; les arbres du midi de la France étaient ceux des Açores, de Ténériffe et des parties tempérées de l’Amérique septentrionale. Un grand nombre de ces arbres n’ont pu résister aux rigueurs de la période glaciaire, ils ont disparu, mais on en retrouve les restes dans les couches les plus récentes du val d’Arno ou des environs d’Aix en Provence. Dans cette dernière localité, M. de Saporta a reconnu des feuilles de palmiers[2], de bananiers[3], de dragonniers[4], de thuyas[5], de canneliers[6] et d’acacias[7], genres inconnus en Europe, mêlés à des chênes, des ormeaux, des bouleaux et des peupliers, les uns très semblables aux nôtres, les autres identiques à ceux qui nous entourent. Quelques-unes de ces espèces exotiques ont résisté aux hivers de la période glaciaire. La plus remarquable est le palmier nain (Chamœrops humilis), le seul palmier qui croisse spontanément en Europe; il a persisté à Villefranche près de Nice, à Barcelone, dans l’île de Capraia, en Sardaigne, à Naples et en Sicile : c’est l’unique représentant du groupe des monocotylédones arborescentes, si communes dans les pays chauds, qui ait survécu à la période glaciaire. Un grand nombre d’animaux ont également

  1. Die fossile Flora der Polarlaender, 1867.
  2. Flabellaria Lamanonis.
  3. Musophyllum speciosum.
  4. Dracœnites narbonensis.
  5. Callitris Brongnartii et Widdringtonia brachyphylla.
  6. Cinnamomum campkorœfolium, C. aquense, C. sextianum, C. lanceolatum.
  7. Acacia julibrizoides, Mimosa deperdita.