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dération du nord toi que M. de Bismark l’a tracé, donne au pouvoir exécutif prussien des prérogatives qui, à l’usage, soumettraient la confédération nouvelle à une sorte d’autorité absolue exercée par la cour de Berlin. Sans altérer l’économie générale de ce projet de pacte constitutionnel, on pourra, par la simple insertion de dispositions complémentaires, y introduire des garanties pour le libre gouvernement de l’Allemagne, et l’on assure que le parlement fédéral saura améliorer dans ce sens la constitution projetée. Les travaux du parlement fédéral méritent donc d’être suivis avec intérêt. S’ils produisent les résultats qu’on annonce, ils serviront la cause générale de la liberté en Europe, car dans la nouvelle situation du monde la véritable force d’un peuple va se mesurer à son libéralisme pratique; quant à la France, elle n’a qu’à gagner à voir commencer entre elle et ses voisins une concurrence aussi généreuse. Cependant, à côté de l’œuvre constitutionnelle inaugurée au nord de l’Allemagne, les nouvelles expériences autrichiennes se poursuivent avec des fortunes diverses. Deux grandes parties de l’empire autrichien, la Hongrie et la Galicie, paraissent en ce moment contentes de leur sort. Le nouvel ordre de choses est pour la Hongrie une renaissance. Les Magyars possèdent enfin le gouvernement autonome qu’ils ont appelé avec une si opiniâtre persévérance. Le ministère présidé par le comte Andrassy est accueilli par les acclamations du pays. La Hongrie, si riche en ressources morales et matérielles, avait été comme frappée de stérilité durant la longue période où l’on a si vainement tenté de l’assouplir à la centralisation factice du gouvernement unitaire, espérons que, revenue à la confiance et se sentant revivre dans l’esprit de ses traditions, elle se hâtera d’entrer dans un mouvement fécond d’activité économique, et comprendra la mission qui lui est échue dans cette portion si importante du monde européen qui a pour artère le Bas-Danube. Le jeu des institutions représentatives était déjà bien avancé en Hongrie avant 1848; les patriotes éclairés de cette époque comparaient non sans fierté les mœurs politiques de leur pays à celles de l’Angleterre, tant ils se sentaient habitués à l’exercice des libertés publiques. Les Hongrois de notre temps mettront sans doute leur amour-propre à prouver qu’ils n’ont point dégénéré. C’est un résultat heureux pour la cour de Vienne de donner satisfaction à ses provinces hongroises et à ses provinces polonaises; mais il n’y a plus pour l’Autriche de bonheur complet : au moment où elle rallie ses populations orientales, le mécontentement éclate en Bohême, en Croatie, dans l’Autriche allemande. La diète de Bohême semble avoir été jalouse de la condition des Hongrois, elle a repoussé l’idée de se confondre dans l’agrégation des provinces cis-leithanes de la monarchie, elle ne veut point que la Bohême soit réduite à n’être qu’une fraction de l’une des deux moitiés de l’empire; elle réclame une existence constitutionnelle séparée. La Croatie à son tour émet des prétentions également séparatistes et réclame les franchises du royaume triple et un. Ces susceptibilités et