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péninsule, dont la longueur en droite ligne n’est pas même de 1,900 kilomètres, se trouve portée à près de 13,000 kilomètres par les plis et les replis du rivage : c’est plus que la distance de Paris au Japon.

Les plateaux de la Scandinavie se terminant brusquement au-dessus de la mer du Nord, les pentes qui dominent les sombres défilés des fiords sont presque toutes très escarpées; il en est qui se redressent en murailles perpendiculaires ou même surplombantes servant de piédestal à de hautes montagnes. C’est ainsi que le Thorsnuten, situé au sud de Bergen, sur les bords du Hardangerfiord, atteint une élévation de plus de 1,600 mètres à moins de 4 kilomètres du rivage. Dans mainte baie de la Norvège occidentale, on voit les cascades bondir du haut des falaises et se précipiter d’un jet dans la mer, de sorte que les embarcations peuvent se glisser entre les parois des rochers et la parabole des cataractes mugissantes. Au-dessous de l’eau, les escarpemens se continuent aussi dans la plupart des golfes, tellement qu’en certains défilés de rochers, dont la largeur de falaise à falaise est de 200 ou de 100 mètres seulement, il faut jeter la sonde jusqu’à 5 ou 600 mètres de profondeur avant de toucher le roc. Dans les Travailleurs de la Mer, Victor Hugo cite à bon droit le Lysefiord comme la plus effrayante à contempler parmi toutes ces sinistres avenues, à jamais privées d’un rayon de soleil par les hautes murailles de rochers qui les enferment. Cet énorme fossé, d’une régularité presque parfaite, pénètre à 43 kilomètres dans l’intérieur du continent; bien qu’en certains endroits il offre à peine 600 mètres de largeur, ses parois se dressent à 1,000 et 1,100 mètres d’élévation, et tout près du bord la sonde ne touche le fond qu’à plus de 400 mètres.

Les îles du Spitzberg, les Far-oër, les Shettland présentent aussi sur leur pourtour des centaines de fiords, pareils à ceux de la Scandinavie; de même les rivages de l’Ecosse sont profondément découpés, mais seulement du côté de l’ouest, où se trouvent en outre des îles nombreuses reproduisant en miniature le dédale des promontoires et des baies de la terre voisine; la partie de l’Irlande tournée vers la haute mer se développe également en une succession de péninsules rocheuses séparées par des golfes étroits ; mais au sud et à l’est, les côtes des îles britanniques sont beaucoup moins accidentées de forme et se déroulent en longues courbes régulières. En France, on ne trouve guère trace d’échancrures pareilles à celles des fiords norvégiens qu’à l’extrémité de la Bretagne; aussi n’existe-t-il même pas de nom dans la langue pour désigner ces indentations. En revanche, les côtes de l’Irlande, du Labrador et du Groenland occidental, celles des îles de l’archipel polaire, enfin le littoral américain du Pacifique, de la longue péninsule d’Alachka au labyrinthe des îles de Vancouver, ne sont pas moins riches en découpures que le littoral de la Norvège. Pour retrouver une semblable formation des rivages, il faut traverser l’Amérique entière jusqu’à l’extrémité méridionale du continent : les fiords ne recom-