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commerçant. De tels avis exercent en outre une influence sur le marché toutes les fois qu’il s’agit d’assurer à Londres quelque cargaison destinée à traverser les mêmes parages. C’est le cas de dire avec les Anglais que, grâce à ces messages, les accidens de mer « envoient en quelque sorte leur ombre devant eux. »

Les assurances maritimes forment le principal objet de l’institution. L’usage de se garantir par des combinaisons plus ou moins savantes contre les périls des eaux et des vents remonte sans aucun doute à une époque très ancienne. À peine la navigation eut-elle étendu ses conquêtes que les hommes intéressés dans les diverses entreprises de la marine marchande comprirent le besoin de diviser entre eux les risques et les pertes, en un mot de s’associer contre les colères de l’Océan. On n’a point de données très certaines sur l’origine des assurances maritimes en Angleterre ; mais on sait positivement que de telles transactions se pratiquaient dans l’ancien café de Lloyd. Ce genre d’affaires en se développant se dégagea peu à peu d’autres branches accessoires, et, lorsque la réunion des négocians de la Cité quitta son local primitif, elle prit décidément un caractère de protection contre les dangers qu’affrontaient les navires et les marchandises confiées aux flots inconstans. Et pourtant, qu’on y prenne garde, Lloyd’s n’est point du tout, ainsi qu’on l’écrit trop souvent, une compagnie d’assurances maritimes. Si Lloyd’s n’est point une compagnie, qu’est-ce donc ? C’est une confrérie de marchands, d’armateurs, de banquiers et autres capitalistes réunis dans le même local pour favoriser le développement de la navigation et du commerce, mais surtout pour sauvegarder la propriété maritime contre la trahison des élémens. Les Anglais font une très grande différence entre une société et une association : l’une enchaîne l’autonomie de ses membres tandis que l’autre laisse à chacun la liberté d’agir comme il l’entend, et c’est souvent ce dernier système qu’ils préfèrent. Le caractère de telles sociétés n’est-il point en effet l’unité d’action ? Fondées le plus souvent par des actionnaires qui partagent entre eux les bénéfices, elles représentent un groupe d’intérêts communs, confiés aux mains d’un directeur ou d’un agent responsable. Rien de tout cela n’existe chez Lloyd’s ; ici les hommes rassemblés dans la même salle ne se trouvent nullement rattachés entre eux par la solidarité des mêmes intérêts, ils agissent au contraire pour leur propre compte et à leurs risques et périls. Chacun d’eux ne se gouverne que par ses lumières, ne consulte que lui-même, et mesure la valeur de son capital à l’étendue des affaires qu’il entreprend. Lloyd’s repose ainsi sur le principe auquel nos voisins attribuent la grandeur et la prospérité de leur commerce, l’individualité dans l’union. Le marchand de la Cité ne voudrait pour rien au monde d’une protection