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première pierre en 1863, fut inauguré le 22 mai 1865 par le prince de Galles. C’est dans cette institution, le sailor’s home (maison du marin)[1], que voulut bien m’introduire le capitaine Webb, secrétaire de la société, me montrant et m’expliquant tout avec une rare obligeance.

Le sailor’s home a deux entrées, l’une dans Well-street, et l’autre dans Dock-street ; cette dernière est sans contredit la plus monumentale, et la façade de pierre, artistement fouillée par le ciseau, présente un contraste frappant avec les autres pauvres maisons du quartier. Le rez-de-chaussée est occupé par un vestibule à larges piliers où l’on annonce tous les jours les noms des navires en partance, et d’où rayonnent de longs corridors dans lesquels s’ouvrent des bureaux. Parmi ces offices, les uns, tel que celui dans lequel on engage ou congédie les marins des divers équipages, sont placés sous la surveillance du conseil du commerce, board of trade ; d’autres se rattachent à l’amirauté, par exemple le royal naval reserve office, où les matelots de la flotte marchande s’enrôlent volontairement dans la réserve de l’état. Le sailor’s home ne fait que leur louer une partie de son local ; mais qui ne voit tout de suite ce que cette agglomération des divers organes du système maritime présente d’avantages aux pensionnaires de l’établissement ? Certains bureaux sont même tout à fait consacrés à leurs affaires. Voici par exemple le post office, où l’on reçoit et garde au besoin pendant une année les lettres adressées soit aux hôtes de l’établissement, soit à ceux que l’on a des raisons d’attendre dans un certain temps. Tandis que les crimps ont tout intérêt à isoler le marin anglais et à le détourner de sa famille, les directeurs du sailor’s home cherchent au contraire les meilleurs moyens de renouer chez lui le lien des affections morales. De 1865 à 1866, quinze mille lettres ont passé par la boîte de l’établissement, et plusieurs d’entre elles, ainsi que ces oiseaux de mer qu’on rencontre dans le voisinage des côtes, parlaient sans doute des joies du foyer au cœur du matelot éprouvé par une longue absence.

Tout homme de mer qui débarque a d’ordinaire la bourse vide. Son compte avec le capitaine du navire marchand sur lequel il a servi durant la traversée ne doit être réglé que quelques jours après l’arrivée dans le port, et c’est de cette détresse momentanée que profitent surtout les requins de terre pour le ronger à belles dents. Le sailor’s home, sans tirer aucun avantage d’un tel système

  1. Je traduis ainsi faute d’un autre mot, mais dans l’idée des Anglais le home est très différent d’une maison : c’est un endroit où l’on se sent chez soi et pour ainsi dire en famille.