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lève à l’est, est une longue croupe où les fleurs roses des bruyères se mêlent au jaune doré des genêts et des ajoncs. Un vieux couvent entouré de murailles crénelées et flanqué de quelques masures barre une large route carrossable qui vient de Pampelune, puis au-delà, du côté de la France, un charmant sentier, semblable à l’avenue d’un parc, se glisse à l’ombre des hêtres et s’élève en pente douce sur une éminence gazonnée où se trouve la petite église rustique d’Ibañeta. Ce paysage gracieux serait le Roncevaux de sinistre mémoire. On ne voit pas un seul rocher d’où les Basques auraient pu rouler des blocs de pierre sur les envahisseurs franks ; on cherche vainement des yeux le précipice au fond duquel Roland fit pour la dernière fois résonner son cor d’ivoire. C’est à leur vaillance, c’est à la force de leur bras et non pas à l’âpreté des gorges d’Altabiscar que les montagnards ibères doivent leur triomphe sur les armées de Charlemagne.

C’est précisément à cause de cette facilité des communications entre les deux versans que les populations euskariennes des Pyrénées de l’ouest ont pu maintenir leur intégrité nationale. Dans les autres parties des monts, les Ibères, séparés les uns des autres par des crêtes neigeuses difficiles à franchir, étaient refoulés par leurs ennemis en d’étroites vallées latérales, et ne pouvaient s’entr’aider en cas de péril commun. Les Basques de l’occident avaient au contraire le privilège d’habiter un pays offrant à la fois de sérieux obstacles à l’invasion étrangère et des passages faciles par-dessus les hauteurs. Les groupes épars dans les vallées pyrénéennes du nord et du midi pouvaient ainsi se former en masse solide au milieu des nations environnantes et conserver leur langue et leurs mœurs alors qu’autour d’eux les peuples les plus divers d’origine entraient de gré ou de force dans le monde latin.

Toutefois ce petit domaine des Euskariens dont on peut embrasser la plus grande partie d’un seul regard n’est point habité par une population homogène. Quoique l’un ou l’autre des cinq dialectes de leur langage soit parlé dans toutes les vallées de ces pays montagneux, les hommes eux-mêmes diffèrent singulièrement par le corps et l’attitude. Le type des Basques du littoral est bien connu : tous les voyageurs qui ont vu ces hommes aux traits réguliers, au regard franc, à la taille svelte et bien prise, au geste gracieux et hardi, à la démarche élastique, ces femmes à la figure joyeuse, au sourire fin et légèrement ironique, aux attaches si pures, au maintien si naturel dans sa noblesse, ne sauraient oublier ces êtres privilégiés parmi les races mélangées ou même abâtardies de l’Europe occidentale. En voyant la bonne grâce et la fière allure des Basques, en assistant à leurs jeux, en écoutant leur