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rire sonore, on se trouve entraîné par une pente naturelle de l’esprit à se demander si ces populations joyeuses ne représentent pas les débris d’une humanité plus fortunée qui ne connaissait point nos misères et nos tristesses. Ce « petit peuple qui saute et danse au haut des Pyrénées, » ainsi que le disait si heureusement Voltaire, est-il fait du même limon que les sombres montagnards des Castilles ou les paysans lourds et grossiers de nos campagnes de France ?

La grande majorité des Basques du littoral ont bien le type à la fois gracieux et fort que l’on croit d’ordinaire être celui de l’ancienne race ibérique, et dans nombre de communes, telles que Fontarabie, Leso, Passages, hommes et femmes, presque sans exception, jouissent de cette souplesse du corps et de cette beauté du visage que célébraient déjà les anciens. Cependant il existe loin de la mer, dans les gorges des Pyrénées, plusieurs groupes de populations qui diffèrent sensiblement par leurs traits et leur démarche des Euskariens de la côte. C’est ainsi que dans la vallée rarement visitée de Sainte-Engrace, dont les magnifiques forêts de hêtres ombragent les premières pentes du pic d’Anie, la plupart des habitans, qui d’ailleurs, parmi tous les Basques, sont ceux qu’a le moins modifiés la civilisation française, sont blonds, grands, massifs de taille, lents dans leurs allures : on pourrait croire qu’ils proviennent du croisement de la race euskarienne avec celle des Visigoths ou d’autres envahisseurs du nord égarés dans les hautes vallées de la frontière. Combien plus grande encore est la diversité des caractères physiques, si l’on compare les Ibères du Labourd et du Guipuzcoa aux Andorrans bruns, secs, apathiques, ou bien aux autres populations d’origine euskarienne qui habitent les Pyrénées du centre et de l’est ! À vrai dire, on ne saurait encore indiquer avec précision quels sont les traits physiques distinctifs des Basques. Même pour la taille, ils ne semblent guère différer de leurs voisins : sur la carte figurative qu’a dressée M. Broca afin de représenter les exemptions militaires pour défaut de taille, le département des Basses-Pyrénées, peuplé en entier de fils d’Ibères, Basques ou Béarnais, occupe une place à peu près moyenne parmi tous les départemens français.

Les différences qu’on observe entre les groupes d’Euskariens au point de vue physique se retrouvent dans les mœurs. Les Basques de l’Alava et même ceux des villes du littoral espagnol, Irun, Fontarabie, Saint-Sébastien, ressemblent trop souvent à leurs voisins des Castilles par leur froideur envers les étrangers, leur attitude orgueilleuse ou même leur nonchalance au travail. De même, en beaucoup de localités, les aborigènes ont perdu la propreté tradi-