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idiomes ; nos langues à flexions, l’anglais surtout, si remarquable par sa tendance à raccourcir les mots, en offrent quelques exemples ; le basque en présente beaucoup plus à cause de sa puissance d’agglomération ; enfin les dialectes des Peaux-Rouges, où toute une phrase se réduit à un seul mot, possèdent au plus haut degré la faculté de contracter les racines et de les écraser pour ainsi dire en un moule commun.

Les érudits ne semblent donc pas avoir été plus heureux en cherchant les affinités du basque dans le Nouveau-Monde qu’en essayant de les retrouver aux extrémités de la terre, sur les bords de l’Océan-Glacial. Ainsi la langue eskuara reste isolée au milieu des autres, du moins jusqu’à ce que des recherches certaines aient établi le contraire, et par suite, nul savant ne saurait sans témérité se hasarder à dire où naquit la race euskarienne et quelles migrations elle accomplit sur les continens. Toutefois, si l’on n’a point encore réussi à retrouver aux bornes du monde les origines du basque, on découvre cette langue à l’état fossile pour ainsi dire dans les contrées qui entourent le bassin de la Méditerranée occidentale. Les monumens écrits manquent pour raconter comment des peuples frères de race occupaient ces régions si bien disposées pour n’être qu’un seul domaine géographique ; mais au lieu de récits, de légendes ou d’hymnes il reste encore des noms de montagnes, de fleuves et de cités qui proclament après des milliers d’années la puissance des anciens aborigènes. À l’est du pays où se trouvent aujourd’hui les dernières populations basques, dans les vallées pyrénéennes de Bastan, d’Aran, d’Andorre, les noms euskariens abondent. Il en est de même dans les plaines qui s’étendent au nord des monts jusqu’aux abords de la Garonne, et la ville d’Auch, l’antique Illiberri (ville neuve) rappelle encore par son nom actuel le séjour des Auskes ou Euskariens. Au sud des Pyrénées, les Ibères étaient répandus dans presque toutes les parties de la péninsule jusqu’en Bétique et en Lusitanie ; les Celtes n’occupaient le sol en tribus compactes que dans un petit nombre de districts, mais sur la plupart des points ils avaient dû se mélanger aux aborigènes : de là leur nom de Celtibères. Par une critique des plus sagaces, Guillaume de Humboldt a su retrouver dans les noms de lieux d’Espagne les preuves de l’identité parfaite des Ibères et des Basques, et même de nos jours il serait difficile de rien ajouter à sa démonstration. Au-delà des colonnes d’Hercule, des tribus euskariennes devaient occuper aussi les pentes de l’Atlas, car les auteurs anciens citent une foule de localités dont les noms sont d’un pur eskuara ; l’une des peuplades énumérées par Strabon porte même la désignation toute basque de Muturgorri (Visages-Rouges), que les hommes de la tribu devaient sans