Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 68.djvu/387

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

net de la Lorraine et des bords du Rhin conduits par le comte de Vaudemont, et que renforçaient incessamment des corps italiens aguerris, s’avançait vers le centre et le sud de l’Italie. Rien ne pouvait arrêter sa marche. Après avoir reconquis presque toute la Lombardie milanaise et l’avoir remise au duc Francesco Sforza, après avoir reçu dans la ligue contre Charles-Quint le duc de Ferrare et le marquis de Mantoue, Lautrec s’était porté sur Bologne. C’est là qu’il avait appris la délivrance du pape, qui, sorti précipitamment du château Saint-Ange, était allé s’enfermer dans Orvieto. Continuant à s’avancer à travers la Romagne, les Légations et les Marches, il prit les villes d’Imola et de Rimini, qu’il rendit au saint-siège, dont elles avaient secoué l’autorité durant la captivité de Clément VII. Le pape s’en montra fort reconnaissant. Il seconda du mieux qu’il put[1], mais secrètement toutefois, les opérations de l’armée française, sans céder aux instances de Lautrec, qui le pressait de rentrer dans la ligue.

Devenu libre. Clément VII n’avait rien fait de ce qu’il avait promis aux impériaux. Il n’avait pas livré Cività-Castellana à la troupe qui devait recevoir en gage cette forteresse, et il n’avait pas envoyé les sommes qu’il s’était engagé à fournir pour le paiement des lansquenets et des Espagnols demeurés dans Rome et de plus en plus irrités. Plein de ressentiment, il n’était pas moins pénétré de crainte, et, s’il ne se hâtait pas de s’acquitter envers Charles-Quint, il ne se souciait pas non plus de rompre encore une fois avec lui. Sa timidité prévoyante l’empêchait de s’exposer à de nouveaux périls, outre que ses mécontentemens le détournaient d’une ligue qu’il avait formée et qui avait profité de ses malheurs pour le dépouiller. Il ne pardonnait pas aux Vénitiens de s’être emparés de Ravenne et de Cervia, au duc de Ferrare d’avoir pris Reggio et Modène, aux Florentins d’avoir exilé les Médicis et confisqué leurs biens. Il se livrait à des plaintes amères contre eux et faisait incessamment entendre d’inutiles revendications. Ménageant toutefois le roi de France, qui pouvait être victorieux et lui faire recouvrer ce qu’il avait perdu, il favorisa l’expédition de Lautrec, qui trouva le meilleur accueil et des vivres dans les états de l’église.

Cette expédition n’avait plus qu’un objet, la conquête du royaume de Naples. Lautrec, longeant les côtes de l’Adriatique, passa par Pesaro, Sinigaglia, Ancône, Recanati, franchit la frontière pontifi-

  1. « Sa volonté croist de ayder ceste entreprise. Il a commandé à tous les officiers de la marche que à mon passée avecques ceste armée, ils me obéyssent non moins que à sa propre personne et me pourvoient de vivres et logis tout ainsi qu’ils feroient à l’armée propre de sa sainteté. » Lettre de Lautrec à François Ier, écrite d’Ancône le 29 janvier 1528. Mss. Brequigny, vol. 92, f° 261.