Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 68.djvu/414

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

haitait devenir empereur couronné. Afin d’achever en Italie l’œuvre si avancée de sa domination, il devait s’y transporter avec une flotte que joindraient les galères d’André Doria, et sur laquelle il embarquerait une armée de onze mille hommes, tandis qu’une autre armée levée par ses ordres en Allemagne, et que commandait le comte Félix de Werdenberg, y descendrait du côté du Tyrol. Ces deux armées, unies aux troupes victorieuses du prince d’Orange et d’Antonio de Leyva, contraindraient à se soumettre tous ceux qui resteraient encore en armes dans le sud et le nord de la péninsule, dont il disposerait en maître. Il se nourrissait de ces entreprenantes pensées et hâtait de son mieux une expédition à laquelle le manque d’argent et l’opposition de ses alentours apportaient d’inévitables retards, lorsque Rosimbos et des Barres vinrent lui remettre le projet d’arrangement qu’avait agréé et que lui recommandait l’archiduchesse sa tante.

S’en accommoderait-il? Dans ce moment d’espérance orgueilleuse et d’inimitié irritée, se contenterait-il des conditions qu’il avait proposées lui-même à Burgos, et qu’acceptait François Ier après les avoir refusées? Il sembla revenir à l’entière exécution du traité de Madrid. « Si le roy de France ne veut l’accomplir, disait-il, il y auroit de la difficulté à m’accorder avec luy. Comment pourrois-je me dédire de ce que j’ay dit de luy ou souffrir qu’il ne se dédie de ce qu’il m’a démenti[1] ? » Des considérations puissantes le décidèrent pourtant à traiter. Il vit bien qu’il n’arracherait jamais la Bourgogne à François Ier, et que l’exiger absolument de lui, comme il l’avait fait lorsqu’il le tenait entre ses mains, c’était perpétuer la guerre; qu’ayant mieux aimé entreprendre une lutte acharnée et laisser ses enfans en captivité que d’abandonner cette grande province, François Ier renouvellerait en 1529 les efforts tentés en 1527 et 1528; que le royaume de France n’était jamais au bout de ses ressources et que le roi très chrétien trouverait toujours des soldats et de l’argent pour combattre en Italie, où les Florentins, les Vénitiens, le duc Sforza, le duc de Ferrare, lui seraient des alliés d’autant plus fidèles qu’ils avaient plus d’intérêt à défendre leur indépendance et à sauver leurs possessions; qu’il faudrait de nouveau les y vaincre tous, ce qui n’était pas certain, leur enlever de vive force les villes qu’ils y tenaient encore soit au nord, soit au sud, ce qui serait difficile; que dans son royaume même de Naples, en grande partie recouvré, ses troupes avaient déjà échoué deux fois devant Monopoli, qu’occupaient les Vénitiens, et ne pouvaient pas reprendre Barlette, où s’était réfugié Renzo da Ceri avec des forces suffisantes

  1. Lettre de Charles-Quint à Montfort, du 16 mars 1528. — Papiers d’état du cardinal de Granvelle, vol. Ier, p. 450.