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retrouver le germe dans la proclamation du jeune général de 96. Les demi-brigades changèrent de numéros et reprirent le vieux nom de régiment, on essaya même de rendre à l’infanterie l’uniforme blanc; mais Napoléon avait trop de tact pour persévérer dans une expérience futile et mal accueillie, l’habit bleu fut conservé. Il prit des mesures plus sérieuses pour détruire l’esprit républicain, qui, malgré le caractère du coup d’état, s’était effacé moins vite dans l’armée que dans la nation. Les généraux, les officiers soupçonnés d’attachement aux institutions renversées le 18 brumaire, furent maintenus dans des positions inférieures, obscures, ou mis en réforme. Les envois de troupes à Saint-Domingue et aux colonies présentèrent le moyen d’éloigner des corps, des fractions de corps, des militaires de tout grade qui étaient entachés de ce vice originel et réputés dangereux. La Correspondance de Napoléon Ier ne fournit pas sur l’organisation de ces expéditions les éclaircissemens qu’on espérait y trouver; les instructions données au ministre de la guerre pour la formation des détachemens n’y tiennent pas la même place que les simples ordres d’embarquement adressés au ministre de la marine. C’est une des lacunes qu’on regrette de rencontrer dans cette publication si précieuse pour l’histoire et si instructive de toutes façons; mais nous avons eu occasion de consulter les témoignages écrits et de recueillir les récits de personnages véridiques que des circonstances particulières avaient mis à même de connaître dans tous ses détails cet épisode des origines impériales, ou qui figuraient eux-mêmes parmi les rares survivans de ces expéditions lointaines et meurtrières. Témoins ou acteurs de ce drame sinistre ne conservaient pas de doute sur les motifs de police militaire qui avaient eu une large part au choix des 40 ou 45,000 hommes envoyés au-delà des mers pendant les années 1801 et 1802. Pour remplir tous les vides et remplacer les soldats congédiés, la conscription continuait de fonctionner, mais dans une mesure qui convenait à un établissement de paix armée. La loi du 28 floréal an X (17 mai 1802) affectait pour cinq ans aux mêmes corps les conscrits de chaque arrondissement, divisait en deux portions les 120,000 soldats demandés aux deux classes de l’an IX et de l’an X, et laissait en réserve la moitié de ce contingent; les conscrits désignés par les municipalités pour former la réserve devaient être périodiquement réunis et instruits par des cadres détachés. Notons que cette dernière disposition ne reçut pas d’exécution : pendant trois ans et demi de paix, l’armée n’eut en réserve que des conscrits non exercés. — On ne tint pas plus de compte des prescriptions relatives aux arrondissemens de recrutement. Enfin la loi du 8 nivôse an XII (28 décembre 1803) rétablit le procédé employé jadis pour la formation des milices, le « tirage au sort, »