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qui, malgré d’incontestables inconvéniens, était fort supérieur aux modes d’appel bizarres et variables mis en essai depuis cinq ans.

Cette modification réglementaire arrivait à propos pour faciliter de nouvelles levées, résultat inévitable de la rupture de la paix d’Amiens. Les classes de l’an xi et de l’an xii durent fournir leur contingent, et par une sorte de liquidation Napoléon recouvra une partie de l’arriéré des conscrits qui appartenaient aux classes précédentes. L’effectif fut porté à 450,000 hommes, dont 300,000 disponibles sur les côtes et sur le Rhin. Ces 300,000 hommes formaient une armée qui n’a pas encore eu d’égale, l’armée du camp de Boulogne. Grâce à une habile combinaison des ordonnances de la monarchie et des institutions de la république, l’instruction, l’administration militaires étaient arrivées à un rare degré de perfection. Le personnel était incomparable; aussi rompus aux manœuvres que les grenadiers de Frédéric, les soldats mêlaient à l’enthousiasme pour leur glorieux chef un reste du feu sacré de Jemmapes et de Fleurus; les plus jeunes étaient déjà robustes et exercés, et les plus âgés, encore dans toute leur sève, comptaient autant de campagnes que d’années de service. Les cadres régimentaires, l’état-major général, étaient dignes de commander à de pareils soldats. L’empereur avait conservé l’organisation en brigades et divisions; les divisions étaient réunies en corps d’armée. Cette dernière disposition n’était pas absolument nouvelle; déjà nos armées d’Allemagne avaient été distribuées en groupes principaux qui le plus souvent prenaient le nom d’ailes et de centre, et le premier consul avait ainsi réparti l’armée de Marengo. Ce qui était neuf, c’était la multiplication des corps d’armée, et surtout la création des corps spéciaux de cavalerie destinés à agir en masse. Avec un chef tel que Napoléon et des lieutenans qui s’appelaient Davoust, Lannes, Soult, Ney, Augereau, Bernadotte, Murat, ce nouveau mécanisme devait donner aux opérations une impulsion extraordinaire, et produire de puissans effets sur le champ de bataille. Pour réserve suprême, l’empereur avait sa garde. Nos rois avaient toujours eu des troupes attachées à leur personne; les assemblées nationales, héritières du pouvoir souverain, avaient imité cet exemple, et Napoléon continua. Les grenadiers qui avaient si bien protégé la représentation nationale dans la journée du 18 brumaire avaient formé le noyau de la garde consulaire, petit bataillon qui avait passé les Alpes en 1800, et par sa conduite héroïque avait ralenti le mouvement offensif des Autrichiens dans la plaine de Marengo. Aux grenadiers, on joignit des chasseurs à pied, des grenadiers et chasseurs à cheval, 24 canons; le tout formait un corps de 7,000 hommes. Napoléon cependant n’était point en théorie partisan des corps d’élite, et regardait cette création comme « un sacrifice fait