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nombre de cours d’eau et couvert de forêts. On y amena des habitans du reste de l’Annam[1]. On fut alors extrêmement facile et coulant sur la façon de gouverner le peuple. Le but principal étant de faire cultiver et d’attacher au sol, on laissa les nouveaux colons libres de leurs mouvemens et maîtres de cultiver la terre là où il leur convenait le mieux. Le peuple eut donc l’entière liberté de se fixer et de défricher où bon lui semblait. Le lot de terre qui lui convenait étant choisi, il n’avait qu’à en exprimer le désir au mandarin pour devenir propriétaire. On ne mesurait point le terrain quand on le concédait. Chacun payait l’impôt suivant l’étendue du sol qu’il possédait, soit en argent, soit en nature, à son gré. Mais sous l’empereur Gya-Long, les choses changèrent, et furent désormais réglées (1801). L’impôt fut basé avec équité d’après les produits du sol. Les terrains furent exactement mesurés ainsi que les champs. On nota les différentes productions du sol. Les cours d’eau et les montagnes, les terrains bas et ceux élevés furent indiqués par des cartes. » Trang termine en effet son livre par une description très détaillée du pays. Les productions propres à chaque partie y sont minutieusement indiquées, et ce travail serait peut-être encore bon à consulter.

Toutefois l’assimilation des provinces enlevées au Cambodge avec le reste de l’Annam n’était pas complète au moment où écrivit le mandarin Trang (1830). Malgré l’arrivée des colons annamites et chinois, il est à présumer que, sur les deux millions d’habitans qui peuplaient le pays, la plupart étaient encore de race cambodgienne, surtout dans les provinces de l’ouest, au-delà du Mékong. Bien que le code annamite s’appliquât également dans la vice-royauté et dans le reste de l’Annam, bien que le personnel administratif ne se recrutât que dans les anciennes provinces annamites, et que les mandarins originaires de la Basse-Cochinchine fussent plus volontiers employés en dehors de leur pays natal, bien que la cour de Hué ne négligeât rien pour établir une complète uniformité entre la Basse-Cochinchine et les autres provinces de l’empire, l’historien signale encore certaines différences dans les usages et dans les mœurs, qui parfois en effet s’éloignent du type chinois, que le mandarin Trang-hoï-duc considère comme l’idéal de la perfection. Après la conquête totale de la Basse-Cochinchine, le gouvernement annamite, qui visait toujours à la conquête de tout le bassin sud du Mékong, maintint d’autant plus énergiquement sa suzeraineté effective sur le Cambodge qu’il prétendait la faire dé-

  1. Ces colons, nous le savons, étaient pris dans les dernières classes de la population, vagabonds ou criminels. Il n’est pas étonnant que le brigandage et la piraterie aient désolé les territoires ainsi peuplés.