Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 68.djvu/455

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et d’étudier longtemps le pays pour apprendre à l’exploiter d’une manière profitable. Il lui faut se familiariser avec la langue, les institutions, le caractère et les coutumes des peuples dont la direction lui a été confiée. Il importe que ses administrés le connaissent et qu’il soit connu d’eux. La différence des races est déjà une cause suffisante d’éloignement entre les gouvernans européens et les sujets asiatiques sans y joindre encore les mutations fréquentes de personnes. Aussi doit-on espérer que le gouvernement songera bientôt à imiter l’exemple des Anglais aux Indes et des Hollandais à Java en créant pour ses établissemens de Cochinchine un corps spécial d’administrateurs dont les membres, après avoir reçu en Europe les élémens d’instruction indispensables, tels que la connaissance de la langue, de la législation, de l’histoire du pays et certaines notions d’agriculture et d’économie politique, viendront ensuite perfectionner et parfaire leurs études dans la colonie même, pour s’accoutumer à la population qu’ils auront ensuite à surveiller. Sans doute il n’y a pas lieu encore à fonder immédiatement un établissement spécial analogue à celui qui existe en Angleterre[1] et que ne comporte pas le nombre restreint des élèves à former. L’institution des jeunes de langue, qui fonctionne dans certains lycées impériaux où des élèves destinés à la carrière du drogmanat reçoivent une instruction toute spéciale, pourrait servir de modèle à l’organisation d’un cours d’études pour les futurs fonctionnaires de notre colonie de Saigon.

Les changemens dans le personnel ne sont pas les seuls qu’ait subis l’ancienne administration. Sous les rois de Hué, il existait une sorte d’administration cantonale ou communale, indépendante de l’action du gouvernement central, et dont les membres, qui offraient une certaine analogie avec nos maires et nos conseillers municipaux, étaient nommés à l’élection par les habitans de la commune ou du canton. Le peu de confiance qu’inspiraient les indigènes engagea l’amiral de La Grandière à ôter aux communes la nomination directe de leurs administrateurs, que le gouverneur choisit aujourd’hui sur des listes dressées par les notables. Si l’on songe combien peu les habitans de l’Annam étaient initiés à la vie politique, cette restriction n’a peut-être pas une grande portée. Les élus du peuple, sous le gouvernement annamite, servaient à répartir l’impôt entre les individus et à désigner les soldats et les miliciens. Choisis par le gouverneur, ils n’en sont pas moins aptes à remplir utilement les

  1. Bien que depuis la réunion à la couronne la condition de l’admission des fonctionnaires anglais aux Indes ait subi quelques modifications, on peut étudier avec fruit à ce sujet les intéressans travaux de M. le major Fridolin, — les Anglais et l’Inde, — publiés dans la Revue du 15 novembre et du 15 décembre 1856.