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le commerce métropolitain, et que, loin de vouloir en renfermer les opérations dans la limite des territoires conquis ou soumis, on espère bien les transporter au-delà des frontières dans les pays indépendans. A l’ouest, le royaume de Siam est acquis à l’influence anglaise; le commerce britannique s’y est assis depuis longtemps. Il n’est pas aisé d’entreprendre contre lui une concurrence profitable. A l’est au contraire, l’empire d’Annam, non pas seulement dans les provinces voisines du Mékong, mais dans la Haute-Cochinchine, dans le Tonkin et jusqu’aux frontières chinoises, reste encore libre de tout engagement. Les hauts fonctionnaires de Hué, qui ont souvent montré dans les négociations avec nos amiraux un grand sens des affaires, sont-ils incapables d’entendre que la France n’accroîtra son territoire que si elle ne peut étendre autrement son commerce? On regrette à Paris que l’augmentation des droits de douane empêche les marchandises françaises de pénétrer dans l’Annam : c’est là un effet naturel des défiances que conservent les mandarins, et que l’on n’a peut-être pas assez cherché à dissiper. La France, qui entretient un agent diplomatique à Siam, n’en a pas encore à Hué. La nécessité de se trouver dans toutes les négociations en présence d’un chef militaire commandant d’un corps d’armée n’est-elle pas faite pour perpétuer les craintes d’un gouvernement très formaliste, et qui sent bien qu’on le traite toujours en ennemi? Les Français restent à ses yeux des spoliateurs au Cambodge comme en Cochinchine; les bruits d’agrandissement dont l’écho lui arrive de Saigon sont une menace permanente contre laquelle il tient à se prémunir en conservant l’ancien système d’isolement et d’exclusion et en cherchant toujours à nous créer des embarras. Ne peut-on l’amener à comprendre que la France n’a nul intérêt à déposséder une puissance qui n’entravera pas ses desseins, qui joindra franchement ses efforts aux siens pour maintenir l’ordre et la tranquillité, que la conservation de ses provinces du Mékong dépend de son attitude à l’égard de la France et des facilités plus ou moins grandes qu’il laisse à son commerce? Il est difficile de savoir comment une tentative de ce genre serait accueillie, et quel en serait le succès; mais, s’il était possible d’obtenir l’introduction du commerce français dans les plus riches parties de l’Annam, on n’aurait pas à regretter l’abandon définitif de toute prétention sur les trois provinces de l’ouest, surtout alors que plusieurs des avantages qu’on en attend, on est en mesure de les acquérir au Cambodge.

En résumé, la situation des établissemens français demande encore bien des soins et des efforts, et il semble qu’une extension de frontières d’où naîtraient de nouvelles complications est aujourd’hui peu opportune et peu désirable. Néanmoins l’opinion pu-