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sant à Saint-Martin-du-Tertre (Seine-et-Oise) avec station à Écouen, avait 35 kilomètres d’étendue. A quatre heures et demie de l’après-midi, l’opération commença; l’appareil de Ménilmontant se mit en mouvement et transmit en onze minutes à Saint-Martin-du-Tertre une dépêche de vingt-neuf mots ainsi conçue : « Daunou est arrivé ici; il annonce que la convention nationale vient d’autoriser son comité de sûreté générale à apposer les scellés sur les papiers des représentans du peuple. » Le poste de Saint-Martin-du-Tertre, après avoir répété la dépêche et prouvé ainsi qu’il l’avait reçue et comprise, expédia en neuf minutes une phrase de vingt-six mots. « Les habitans de cette belle contrée sont dignes de la liberté par leur amour pour elle et leur respect pour la convention nationale et les lois. » Puis les commissaires causèrent entre eux à l’aide du télégraphe. « La commission et toute l’assistance, dit M. Edouard Gerspach[1], furent émerveillées de ce résultat; la télégraphie était créée. »

Le 26 juillet 1793 la convention, après avoir entendu la lecture des dépêches de Beauharnais qui annonçait un succès à Landau, voté un décret sur les accaparemens, chargé le comité de sûreté générale de présenter sous trois jours l’acte d’accusation contre Brissot, appris un échec des patriotes en Vendée; après avoir écouté Legendre, qui prenait la défense de Westermann accusé de trahison, la convention, sur la proposition de Lakanal, adopta le décret Suivant. « La convention nationale accorde au citoyen Chappe le titre d’ingénieur-télégraphe aux appointemens de lieutenant de génie, charge son comité de salut public d’examiner quelles sont les lignes qu’il importe à la république d’établir dans les circonstances présentes. »


II.

Claude Chappe, lieutenant de génie aux appointemens de 5 livres 10 sous en assignats par jour, se mit à l’œuvre avec une ardeur indomptable. Dans une administration qui n’avait aucun précédent, tout était à créer, les instrumens, les ouvriers, le personnel. L’époque était singulièrement douloureuse et difficile. La France, envahie par les étrangers, voyait son papier-monnaie perdre 50 pour 100 de sa valeur nominale, les campagnes étaient dépeuplées, tout ce qui existait de valide marchait vers la frontière, les hommes de main-d’œuvre étaient introuvables et la plupart des matériaux manquaient. De tels obstacles ne firent reculer personne. Le comité de

  1. Histoire administrative de la Télégraphie aérienne en France, p. 21.