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directeur-général, Chappe-Chaumont, refusa obstinément au gouvernement provisoire de transmettre les dépêches qu’il en recevait; naturellement il fut destitué pour n’avoir jamais voulu trahir le roi Charles X, à qui il avait prêté serment de fidélité. Comme on redoutait toujours de voir l’administration centrale des télégraphes envahie pendant un jour de troubles, on lui chercha un emplacement meilleur et on le trouva rue de Grenelle, près du ministère de l’intérieur, dans les attributions duquel elle avait du reste été définitivement placée par ordonnance du 28 mai 1831, après avoir successivement et conjointement appartenu à la guerre, à la marine, aux travaux publics[1]. Ce fut alors qu’on bâtit la tour carrée où nous avons vu les télégraphes manœuvrer et dessiner leurs bras noirs sur une surface blanche et circulaire; l’administration prit possession de son nouveau local au mois de septembre 1841. C’était une véritable forteresse; en temps d’émeute, elle se remplissait de soldats et se trouvait toujours prête à la défense.

A une époque bien plus rapprochée de nous, pendant la seconde république, sous le ministère de M. Léon Faucher, le midi de la France fut remué par je ne sais quelle tentative d’insurrection socialiste ayant des ramifications entre Lyon et Marseille. Nos lignes de télégraphie électrique étaient loin d’être complètes, et les départemens menacés étaient encore occupés par les télégraphes aériens. Le ministère craignit que les postes ne fussent enlevés, il s’entendit avec le ministère de la guerre, en obtint des fusils, des munitions, fit armer les stationnaires en leur donnant ordre de se défendre à outrance et de repousser à tout prix les hommes isolés ou réunis qui tenteraient de s’emparer de leurs stations. Il va sans dire que la nouvelle de cet armement inusité se répandit très rapidement dans le pays. Les insurgés facétieux ne s’amusèrent

  1. Pendant longtemps, la télégraphie fut subventionnée par les différens ministères selon les services qu’elle rendait à chacun d’eux : la loterie même lui fournit souvent de fortes sommes; la ligne de Strasbourg recevait annuellement une centaine de mille francs en bons de loterie sur les caisses départementales. La loterie retirait un grand avantage de l’emploi des télégraphes; mais elle se lassa bientôt de sa générosité, et vers 1819 elle ne voulut plus donner que 4 ou 5,000 francs sous forme de gratification aux employés. Ce fut en 1821 que l’entretien et la construction des télégraphes furent attribués au ministère de l’intérieur. Il est curieux de voir les différentes dates de l’établissement successif des lignes télégraphiques : de Paris à Lille, 1794; jusqu’à Ostende, 1795; jusqu’à Flessingue, 1809; jusqu’à Amsterdam, 1810. — Paris à Strasbourg, 1798; jusqu’à Huningue, 1799. — De Paris à Brest, 1798. — De Paris à Milan par Lyon et Turin, 1805; jusqu’à Venise, 1810. — Ligne de l’est prolongée de Metz à Mayence, 1813. — Paris à Calais par Saint-Omer, 1810; de Lyon à Toulon, 1820, — De Paris à Bayonne, 1823; d’Avignon à Montpellier, 1832. — Embranchemens de Nantes, Cherbourg, Perpignan, 1843. — De Montpellier à Bordeaux, 183 4; de Calais à Boulogne, 1841; de Dijon à Besançon, 1842.