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qu’on adopta. Au mois d’avril 1830, un officier d’état-major, M. de Montureux, publia dans un journal de Montpellier un travail qui concluait à l’établissement de la télégraphie privée. « L’auteur, dit M. Edouard Pelicier[1], proposait de mettre annuellement à l’enchère le droit de correspondre par le télégraphe et d’appliquer aux dépêches un tarif de tant par syllabe, en dehors du prix d’abonnement; il laissait, bien entendu, aux dépêches officielles la priorité de transmission. » La loi du 3 mai 1837 prouva quelles idées le gouvernement professait à cet égard.

L’exemple cependant avait été donné; la ville libre de Brème reconnut au public, pour la première fois en Europe, le droit de faire usage du télégraphe, et au mois de janvier 1847 la ligne reliant la ville et le port fut ouverte aux correspondances particulières. La même année, au mois de juillet, M. Oscar de La Fayette éleva la voix à la tribune pour demander que la nation fût enfin admise à jouir du bénéfice des transmissions rapides. M. Lacave-Laplagne répondit que le télégraphe était et devait rester un instrument politique. Il n’en fut reparlé que deux ans après. Dans la séance du 3 avril 1849, M. Marchai interpella M. Léon Faucher et lui demanda pourquoi la France était tenue en chartre close quant à la télégraphie, tandis que l’Angleterre, l’Amérique et la Belgique en usaient sans réserve comme sans danger. M. Léon Faucher n’était pas homme à livrer ce monopole; sa réponse le démontra clairement. Cependant les journaux réclamaient, l’opinion se faisait peu à peu; les vieux motifs de la raison d’état ne tenaient plus devant les besoins nouveaux; on n’était pas au port, mais du moins on l’entrevoyait. Le 8 février 1850, à propos d’un crédit important destiné à la construction de nouvelles lignes télégraphiques[2], M. Hovyn-Tranchère demanda nettement l’établissement immédiat de la télégraphie privée. M. Ferdinand Barrot, ministre de l’intérieur, répondit que le conseil d’état venait d’être saisi d’un projet de loi à ce sujet, et le 1er mars suivant il en donna lecture à la chambre. M. Le Venier, nommé rapporteur de la commission, lut son rapport dans la séance du 18 juin; la première délibération eut lieu le 8 juillet, la seconde le 18 novembre, et la loi fut définitivement adoptée le 29 du même mois.

Le projet du gouvernement était libéral, et ne contenait aucune restriction; la chambre fut moins généreuse, elle modifia le premier article qui était ainsi conçu : « il est permis à toutes personnes de correspondre au moyen du télégraphe électrique de l’état par l’intermédiaire des fonctionnaires de l’administration télégraphique; »

  1. Statistique de la télégraphie privée.
  2. Ces lignes devaient mettre Paris en relation directe avec Angers, Tonnerre, !e Havre, Châlons-sur-Marne, Nevers, Châteauroux et Dunkerque.