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pareils, ont à peine chacun un espace de 60 centimètres carrés pour se mouvoir.

Après la salle de transit s’ouvre la salle de Paris; celle-ci est composée non pas de quatre chambres, mais de sept chambrettes. Cent vingt agens, divisés en deux brigades, sont là tout le jour, penchés au-dessus de quatre-vingt-dix appareils, déroulant la bande étroite de papier, juchés sur des chaises de paille, attentifs à tout signal, se dérangeant mutuellement toutes les fois qu’ils remuent, correspondant avec les quarante-huit postes dispersés dans Paris et avec toutes les stations du département de la Seine. Quelques-uns de ces jeunes gens, dont les traits pâlis annoncent la fatigue, ont un livre auprès d’eux, dans l’espoir de pouvoir lire, si leur appareil reste immobile pendant quelques minutes. Aucun d’eux, j’en suis certain, n’a pu terminer le paragraphe commencé; une dépêche arrive, puis une autre, puis une autre, ainsi de suite et toujours, et avec un travail qui se modifie à chaque nouveau télégramme, travail différent de composition et de traduction qui rend les erreurs si faciles, et cependant ne les fait pas trop communes. La salle de Paris ne ferme ni le jour ni la nuit; sept employés restent de neuf heures à minuit et quatre de minuit à huit heures du matin ; ils correspondent avec les postes du Louvre, du Grand-Hôtel, de la Bourse et des gares de chemins de fer, qui ne ferment jamais.

La fatigue que le travail de manipulation exige est excessive. L’appareil est desservi par deux agens; l’un reçoit ou expédie la dépêche, l’autre la traduit, si elle est arrivée par l’appareil Morse, ou la coupe et la colle sur la feuille de route, si elle est parvenue par l’appareil Hughes. Toutes les deux ou trois heures, ils alternent. Cela n’a l’air de rien au premier abord : être assis sur une chaise, en présence d’une machine intelligente qui paraît fonctionner d’elle-même, suivre du regard les traits qu’elle dessine, dérouler lentement une bande de papier, c’est là tout le travail apparent; mais, pour être bien fait, il nécessite une rapidité de main, une fixité de regard, une attention d’esprit et souvent même un déploiement de force considérable. Tout l’être participe à cette fonction; un instant d’inadvertance peut amener une erreur, et il faut l’éviter à tout prix. Il n’y a pas une seconde de repos, tous les nerfs sont tendus et surexcités; la diversité même des dépêches qui se succèdent sans relâche amène une fatigue de plus : affaires de famille, tripotages de bourse, opérations commerciales, nouvelles politiques, lettres chiffrées, langue anglaise, française, italienne, espagnole, hollandaise, allemande, arrivent l’une après l’autre, comme les battemens d’un pendule, régulièrement, infatigablement, dans l’espace d’un même quart d’heure. A cela il faut ajouter le bruit ininterrompu des