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poète a bien été obligé d’accepter comme une donnée inaltérable, c’est l’abjuration finale. Cet acte est attaché au nom de Galilée aussi bien que ses découvertes, et plus étroitement encore que ses découvertes, car celles-ci sont uniquement du ressort des savans, et la foule, obligée de les admirer sur parole, n’en connaîtra jamais la portée, tandis que l’abjuration est connue de tout le monde, elle est un acte moral qui relève de la plus humble conscience comme de la plus éclairée. Qu’on y voie avant tout une flétrissure ineffaçable pour ceux qui l’ont infligée au grand homme, à la bonne heure ; qu’aussi longtemps qu’une autorité hostile aux libres investigations de la pensée prétendra élever l’orgueil de ses dogmes au-dessus des certitudes de l’intelligence, le nom de Galilée lui soit jeté comme une réponse et comme un défi, cela doit être. Nous accorderons encore que cette abjuration, arrachée à la faiblesse d’un vieillard, soit digne de pitié ; mais on ne fera jamais qu’elle soit digne d’admiration. Elle a sans doute son côté tragique, et nous devinerions sans peine de quelles agonies elle a dû être précédée, alors même que l’histoire ne nous les ferait pas connaître ; il n’y a aucune exagération à prétendre que la mort dont Galilée était menacé, la prison qu’il a subie, la torture physique à laquelle il fut peut-être soumis, ne sont rien auprès de la torture morale qu’il a endurée :


Le déshonneur du souverain chassé.
Les transports furieux de l’amant remplacé,
Rage, déchiremens, honte, angoisses suprêmes,
J’en ressens les effets autant et plus qu’eux-mêmes ;
J’ai comme eux ma maîtresse, et j’ai ma royauté :
La science ! J’adore à, genoux sa beauté,
Et vous pouvez juger de quel coup l’on me tue,
Quand on veut, Dieu puissant, que je la prostitue !


Ainsi parle le Galilée de M. Ponsard, et nous sommes persuadé qu’il ne dit rien de trop. Si ces mortelles angoisses nous émeuvent, elles n’en sont pas moins de celles qu’on déplore, non de celles qu’on glorifie ; on peut comprendre et pardonner ce martyre : il n’est pas de sophisme qui puisse le transformer en triomphe.

M. Ponsard a donc été conduit, pour relever son héros en face de ceux qui le persécutent, à tenter d’expliquer et d’atténuer de son mieux cette défaillance suprême, que dis-je ? à la justifier en lui donnant pour excuse les sentimens les plus sacrés du cœur humain. De là une fable presque enfantine qui ne lui a pas coûté sans doute un grand effort d’imagination, et dont la simplicité serait peut-être un mérite, si elle ne mettait dans tout leur jour le défaut essentiel du sujet et l’impuissance de l’auteur à le pallier. Le drame, ce drame qui devrait nous présenter la lutte épique des deux plus grandes puissances morales qui se sont jamais disputé le monde, commence par une idylle. Une scène entre le jeune Florentin Taddeo et