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de 240,000 soldats aguerris que les événemens de 1815 avaient rendus à la vie civile. Il composait immédiatement sa réserve en remontant jusqu’à la classe de 1807, et comptait l’alimenter en remplaçant successivement les soldats éprouvés par des hommes qui, à défaut de l’expérience du combat, auraient au moins toute l’instruction militaire qu’on peut acquérir en temps de paix : pensée profonde assurément et habile combinaison; mais la rédaction était obscure, et le mode d’exécution n’était pas assez nettement tracé pour que cette grande expérience pût être complète. Qu’était-ce que ce « service territorial? » Les vétérans devaient-ils être placés sous le régime militaire? Devaient-ils former des corps à part? Comment seraient-ils encadrés? Ces questions et bien d’autres n’étaient pas résolues[1]. Pénétré de la sagesse du principe, le maréchal lui-même était-il bien fixé sur la manière de l’appliquer? Avait-il voulu seulement garder quelques ménagemens envers des préjugés très arrêtés, des méfiances très vives, et tenir compte des assurances données aux soldats de l’armée de la Loire lors de leur licenciement, assurances que le maréchal Macdonald rappela devant la chambre des pairs dans un touchant langage? Toujours est-il que l’idée fondamentale insérée dans la loi restait enveloppée de quelques nuages.

Le titre V renfermait les dispositions pénales, et le titre VI, consacré à l’avancement, posait des règles dont l’équité est si universellement reconnue aujourd’hui qu’il semble superflu de les résumer. Nul désormais ne put être officier, s’il n’avait passé dans les rangs un temps suffisant, ou traversé l’épreuve des écoles militaires, ouvertes seulement au concours; un tiers des sous-lieutenances était réservé aux sous-officiers des corps; pour les promotions à d’autres grades, un équilibre heureusement établi donnait au pouvoir exécutif le moyen de récompenser les bons services ou de faciliter l’essor du mérite, tout en faisant une part aux droits de l’ancienneté et posant des limites au favoritisme, si on ne pouvait espérer de l’exclure absolument.

Le principe des appels rencontra des contradicteurs : un orateur qui avait commandé quinze ans un brave régiment « formé à 60 livres par homme » n’imaginait pas qu’on pût rien inventer de meilleur, et il trouvait de l’écho dans son auditoire; mais les attaques sur ce point furent plutôt détournées. M. Royer-Collard revendiquant, dans un magnifique langage que notre libéralisme d’aujourd’hui pourrait envier, le droit pour les chambres de fixer le

  1. La répartition des légionnaires vétérans en compagnies cantonales, proposée par le ministre, mais rejetée par les chambres, aurait eu surtout un caractère administratif, et ne donnait pas une constitution militaire à la réserve.