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trouve leur centre de gravité au moment où ils quittent le sol. Il prend comme exemple le chat et le tigre, et ajoute que la même conclusion est applicable aux criquets et sauterelles. Le principe qui sert de base à cette théorie, c’est que la force motrice des animaux croît comme la section, et non comme le volume des muscles. Elle ne dépend que du nombre des fibres dont se composent les muscles, d’où il suit qu’elle doit être proportionnelle à la surface de la section de ces organes, tandis que le poids de l’animal est proportionnel à leur volume. Le poids augmente donc plus rapidement que la force motrice, et le rapport entre ce poids et cette force devient d’autant plus défavorable que l’animal est plus gros. C’est là, si le principe admis par Strauss-Durckheim est exact, l’explication de la loi constatée par M. Plateau. Bergmann, qui énonce le même principe, ajoute qu’il ne faut pas le considérer comme une loi absolue et générale. Si on considère cependant que cette hypothèse a permis à Strauss-Durckheim d’établir a priori la loi relative au saut des animaux du même ordre, on ne peut s’empêcher de l’admettre au moins comme très vraisemblable.

La théorie et l’expérience sont d’accord, on le voit, pour démontrer que dans la nature les plus faibles sont les plus forts. Sans nous perdre ici dans des spéculations téléologiques, nous pourrons faire observer qu’il doit en être ainsi parce que les obstacles que les petits rencontrent sur leur route seraient tout à fait en disproportion avec leur taille, s’ils n’étaient pas doués d’une énergie spécifique plus considérable que celle des grands. La structure des muscles, qui sont toujours formés de fibres contractiles parallèles, paraît résoudre ce problème en procurant une force motrice relativement plus grande aux animaux de petite taille qu’aux grands. Les scarabées parviennent ainsi à déplacer des rochers gros comme eux-mêmes, les souris à courir aussi vite que les chats, les termites à bâtir des pyramides qui résistent au temps et aux attaques de leurs ennemis. Chacun, dans la nature, a de la force selon ses besoins.


RECHERCHES NOUVELLES SUR LE MAMMOUTH.

La récente découverte des restes d’un mammouth dans la baie du Tas a fourni à deux zoologistes russes, MM. F. Brandt et K. E. de Baer, l’occasion de discuter les opinions qui ont été émises sur l’ancien habitat de cet animal antédiluvien. On sait que dans les glaces de la Sibérie on retrouve encore de temps à autre des cadavres de mammouth assez bien conservés. Ce fait est déjà attesté en 1694 par Witsen, bourgmestre d’Amsterdam, dans son ouvrage sur la Tartarie, et un peu plus tard par Ysbrandt Ides, qui parcourut la Sibérie en allant à Pékin comme ambassadeur de Pierre le Grand. Depuis cette époque, on compte au moins six cas bien constatés de mammouths retrouvés à peu près intacts; malheureusement la science n’a pas tiré de ces précieuses trouvailles tout le profit qu’il aurait été possible d’en obtenir, si les savans russes avaient été toujours avertis à temps, ou s’ils avaient mis plus de zèle à se rendre sur les lieux. En 1787, le lieute-