Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 68.djvu/59

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

proclamé devant la chambre des pairs le succès de l’œuvre de 1818, l’institution des vétérans fut défendue par Saint-Cyr avec vivacité, mais sans beaucoup d’argumens; elle fut soutenue à la chambre des députés par la gauche, mais avec peu de chaleur. L’importance de la réserve semblait fort amoindrie dès qu’elle ne comprendrait plus les soldats qui avaient fait les dernières grandes guerres; or ce moment était arrivé. Cette circonstance au contraire procurait de nouveaux partisans au titre IV, les vétérans étaient fort goûtés de M. de La Bourdonnaye depuis qu’on ne devait plus trouver dans leurs rangs a ceux qui n’avaient pas toujours combattu sous le drapeau sans tache. » La vraie passion du débat se porta sur les amendemens; la droite en voulait surtout au titre VI de la loi de 1818, relatif à l’avancement, qu’elle déclarait contraire à la charte, et que le ministère défendait mollement par une fin de non-recevoir. Le droit d’aînesse venait aussi se mêler au recrutement sous la forme la plus bizarre; les théories des orateurs de la droite et l’attitude du gouvernement donnèrent beau jeu à la parole incisive de M. Casimir Perier et à la mâle éloquence du général Foy. Les amendemens furent repoussés, et la loi fut votée. On l’appliqua sans difficulté jusqu’à ce qu’une nouvelle législation vînt la remplacer en 1832.

L’attitude de l’Europe, le sentiment de la France commandaient au gouvernement de juillet de donner une sérieuse attention à notre état militaire; il fallait mettre l’organisation de nos forces en rapport avec les chances d’une guerre qui pouvait être générale et avec le progrès de l’éducation constitutionnelle du pays. La première question à examiner était celle du recrutement. Dès les derniers mois de 1830, l’étude en fut confiée à une commission présidée par le vainqueur de Fleurus, Jourdan, qui était en même temps le rapporteur de la première loi de la conscription, la célèbre loi de l’an VI. Le projet préparé dans cette réunion et remanié par le conseil d’état fut déposé par le maréchal Soult sur le bureau de la chambre des députés au mois d’août de l’année suivante. Prenant la loi de 1818 pour base, on avait d’abord élagué tout ce qui n’avait pas trait à la matière, entre autres le fameux titre VI relatif à l’avancement; mais l’armée ne perdit pas les garanties que Saint-Cyr lui avait si sagement et si habilement assurées; elles furent consacrées, développées dans une loi nouvelle, complétées par des dispositions qui prévenaient les destitutions arbitraires et faisaient du grade une propriété. Cette législation a donné à la France le corps d’officiers qu’elle possède aujourd’hui; c’est son plus bel éloge. On renonça aussi à fixer dans un acte organique le complet de guerre ou l’effectif de paix, laissant à des mesures temporaires le soin de déterminer des chiffres nécessairement variables