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de vue purement militaire la durée légale du service était nominale. La première année étant presque entièrement absorbée par les opérations du tirage au sort et de la révision, par la formation et la marche des détachemens, l’incorporation, l’équipement des hommes et les débuts de leur instruction, c’est après dix-huit mois environ de service légal que, dans les circonstances ordinaires, le soldat d’infanterie peut « passer au bataillon, » c’est-à-dire commencer son véritable noviciat, et le soldat des armes spéciales est encore bien plus en retard. Ces considérations décidèrent la commission de la chambre des députés à proposer par l’organe de son rapporteur, M. Passy, qui unissait des souvenirs militaires à la science de l’économiste et aux vues de l’homme d’état, un système modifié auquel le ministère se rallia, et qui fut adopté par les assemblées. La durée du service était fixée à sept ans; tous les hommes appelés par la loi à former le contingent annuel devaient être incorporés ; le pouvoir exécutif avait la faculté de fixer le nombre de ceux qui dans l’ordre des numéros seraient laissés dans leurs foyers, ou qui dans l’ordre des classes recevraient des congés provisoires. Ces deux catégories formaient la réserve, qu’une ordonnance royale pouvait toujours appeler, et que le ministre de la guerre avait le droit de faire réunir et exercer.

Il semble difficile de trouver des dispositions organiques qui soient à la fois plus élastiques et plus efficaces, qui fassent mieux la part de la loi et celle du décret, qui permettent de maintenir à un niveau plus juste l’esprit et l’instruction militaires, sans imposer la nécessité de « discipliner le pays, » qui placent plus complètement la jeunesse française entre les mains de l’état, tout en laissant la latitude d’épargner des charges inutiles au trésor et aux populations. L’autorité du pouvoir législatif est assurée par le vote annuel du contingent et des crédits ouverts au ministre de la guerre, et le pouvoir exécutif trouve une liberté d’action suffisante dans la faculté de faire passer les hommes de l’activité à la réserve et de la réserve à l’activité sans qu’il faille se heurter aux embarras d’une classification trop absolue. Pour fixer le contingent annuel, les chambres ne rencontrent d’autre borne que leur propre sagesse et le nombre de citoyens qui arrivent à l’âge de vingt ans sans être atteints d’incapacité physique, nombre qu’il n’appartient à aucune puissance humaine de modifier[1], tandis que le gou-

  1. On obtiendrait cependant une certaine augmentation de ce chiffre, si l’adoption du mode de chargement par la culasse permettait d’abaisser la taille exigée pour le service. « Les départemens où la taille est la plus basse, disait le général Lamarque en 1832, sont ceux où il y a le moins d’hommes réformés. » Et à ce propos n’est-il pas possible d’espérer qu’on renoncera au luxe des conditions de taille requises dans certains corps? Pour l’artillerie il y a les manœuvres de force, pour le génie les travaux exceptionnels, — pour la cavalerie de réserve et de ligne le poids des hommes comme celui des chevaux augmente la force de choc; mais le train des équipages, les infirmiers militaires! mais la cavalerie légère, surtout si on doit l’augmenter, jusqu’à quand sera-t-elle harnachée de telle sorte qu’il faille placer sur nos petits chevaux des hommes dont la seule stature constitue un poids écrasant?