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excroissances tuberculeuses qui terminent les bifurcations du fucus. Celles-ci, appelées conceptacles, sont de petites cavités sphériques contenant deux sortes de loges ou de nids soyeusement feutrés qui renferment les uns des anthéridies ou petits sachets de corpuscules fécondateurs, les autres des sporanges remplies de granulations plus grosses et propres à être fécondées. Ces deux sortes d’organes, expulsés des conceptacles à l’époque de la fécondation, viennent former à la surface du végétal de petits mamelons visqueux, de couleur orangée, s’ils sont composés d’anthéridies, et de couleur olivâtre, s’ils proviennent au contraire d’une agglomération de sporanges.

Rien n’est plus facile alors que de détacher ces deux sortes de mamelons et de les déposer dans quelques gouttes d’eau de mer ensemble ou séparément. Dans ce dernier cas, les anthéridies émettent leurs corpuscules appelés anthérozoïdes, qui, à peine mis en liberté, s’agitent avec une extrême vivacité. Le troisième jour, toute vie a cessé, et ces germes se décomposent. Les sporanges qui de leur côté sont demeurées seules arrivent en peu de temps au même état de décrépitude, et la décomposition des spores qu’elles renferment se manifeste sans aucune trace de germination.

Les choses se passent tout autrement quand anthérozoïdes et zoospores sont réunis dans la même goutte d’eau. La fécondation peut alors s’opérer d’une façon normale, surtout si l’on a pris le soin de déposer dans le liquide où flottent les spores un nombre suffisant d’anthérozoïdes. On voit ces derniers s’agiter d’abord dans la plus inexprimable confusion. Pendant quelques instans, ils nagent sans but déterminé, entremêlant leurs cils (ils en ont un à chaque extrémité du corps) et promenant comme au hasard dans la transparence de l’eau les transparences hyalines de leur corps ponctué d’une tache orangée ; puis tout à coup, rencontrant une spore, ils l’entourent, la pressent, s’attachent à elle, se multiplient à sa surface en telle quantité qu’elle en est comme recouverte, et alors, chose vraiment étonnante, lui communiquent au moyen de leurs cils vibratiles, on le pense du moins, un mouvement de rotation dont la rapidité paraît tout à fait inexplicable, lorsqu’on songe à l’énorme disproportion qui existe entre les spores et les anthérozoïdes[1]. Les spores tournent cependant, et c’est vraiment un spectacle curieux entre tous que présentent toutes ces grosses boules jaunâtres, entraînées par on ne sait quelle force et toutes hérissées de ces étranges petits corpuscules qui, presque perdus à leur surface, ne s’y manifestent que par l’agitation de leurs cils frémissans et soyeux.

  1. M. Thuret ne craint pas d’affirmer que les spores sont en moyenne cinquante mille fois plus grosses que les anthérozoïdes.