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dont on fait des titres aux récompenses, ne constituent jusque-là que des entités philosophiques qui ne sauraient se passer de définitions, et ces définitions ne se trouvent ni dans le décret ni dans le rapport qui accompagne le décret. On lit, il est vrai, dans ce dernier document, que « au milieu de la diversité des conditions, le bien-être et l’harmonie offrent partout le même résultat, et qu’ils assurent aux producteurs de tout rang et à la localité que leur travail enrichit le bienfait de la paix publique ; » mais ce commentaire laisse évidemment subsister les obscurités du texte, s’il ne les aggrave pas. Il a fallu qu’en dernier lieu une note supplémentaire, insérée au Moniteur, vînt indiquer par approximation aux jurés et au public à quels signes l’harmonie et le bien-être se reconnaissent : l’harmonie par la durée des services, le maintien des bons rapports, l’absence de débats et de conflits ; le bien-être par la formation d’une épargne, la propriété de l’habitation avec ou sans dépendances rurales, la jouissance d’un revenu fixe pour parer à l’insuffisance ou aux incertitudes du salaire. Malgré tout, et même après ce dernier éclaircissement, la question n’est pas dégagée du nuage qui l’enveloppait à l’origine. On a voulu, en restant dans le vague, ne décourager aucune prétention ; on s’est exposé, et on s’en aperçoit déjà, à susciter et à subir les prétentions les plus exorbitantes.

La même observation s’applique à la clause qui admet à concourir au même titre et sur le même pied les personnes, les établissemens et les localités. Ce sera une autre source d’embarras. Les souvenirs de l’exposition de 1855 auraient dû pourtant éloigner le retour de ces pêle-mêle : alors également des groupes ont été opposés aux unités, des comités aux individus. L’effet a été fâcheux, quoique la compétition ne portât que sur des objets matériels ; il est à craindre qu’il ne soit pire pour des mérites de l’ordre moral. Voici par exemple Mulhouse qui, par l’organe du docteur Penot, présente au concours un titre aussi bref qu’éloquent, la liste des institutions privées que la cité a vues éclore dans le cours des trente dernières années. Est-ce Mulhouse qu’il faut couronner ? Non, car autour d’elle et sur trente points du département ces institutions se retrouvent. Sera-ce le Haut-Rhin ? Pas davantage, car il n’a fait qu’obéir à une impulsion partie d’un corps qui représente à la fois les sentimens et les intérêts de l’Alsace. La Société industrielle, qui à son siège à Mulhouse, resterait alors seule en ligne comme le lauréat le plus naturel pour tout le bien qui- s’est accompli dans la région où s’exerce son influence. Ce bien est grand, et la Société industrielle peut en effet en revendiquer une part. Ce fut de son sein qu’en 1827 partit le premier cri d’indignation en faveur des enfans que la manufacture enrôlait à son service pour les excéder de